Le Mont Aigoual, un refuge...? ( 14 et 15 Juillet 2022 )

 

"C'est à Camprieu, sur ce plateau soit disant isolé et caché, qu'ils viendront nous chercher...
Les vélos seront embarqués avec plaisir et sans aucune obligation d'emballage...
Et nous partirons enfin vers cette super Lune du tonnerre..." Crédit : pourlascience.fr

J'ai toujours dit que l'Aigoual était trop bas, qu'il n'avait pas assez de caractère et de force... Qu'il était un ersatz de stabilité et qu'il ne fallait plus compter sur lui. Désuet également ( voir Puechagut, Lusette).


La terre semble brûler et c'est le cas puisque l'atmosphère n'est plus. Je vais fuir. Mais que c'est puéril.

Ma Zoé électrique, peut-être une illusion dans ma lutte contre le réchauffement climatique sous nucléaire, ne me permet pas encore, sans complications, d'aller dans les Alpes. Autruche du sud, je vais aller me cacher dans l'Aigoual et pouvoir y faire un peu de vélo alors que, dans les mornes plaines de Montpellier, on annonce pas moins de 38°C. 

40°C pour Nîmes, ce gros bloc de béton à la dérive, encore sous léger étourdissement des férias passées et jamais finies, contrôlé par les épiciers. La ville ne refroidira plus, c'est certain.


Me voilà tôt le matin à Valleraugue. C'est à dire 8h. En fait je ne le sais pas mais il est aussi trop tard... Mon équation est simple il faut avaler cent bornes dans la journée, ce qui est l'homologation minimale pour un cycliste qui se respecte même s'il y a du dénivelé et en temps de crise. Cela ne va pas être facile.


D'abord, un arrêt au 3 fontaines côté nord avant l'Esperou. Le plus bel endroit pour un cycliste. Les voitures y font le plein avant de redescendre vers le brasier. Mon rythme est bon, régulier. C'est vrai que je "fais un peu le métier" depuis Février. Pourquoi ? Vas savoir. On s'occupe. On prépare un truc en s’entraînant comme Sisyphe avec son caillou?


La route sud sous l'observatoire, a été rendue aux cyclistes, le "passage canadien" avant la barrière est un rappel que nous sommes le bétail de demain, à canaliser toujours davantage.


Je ne m'attarde pas à l'observatoire, ce sommet que l'on aime à l'issue des fameuses 4000 marches montées souvent hors saison. Cette randonnée méprisée par quelques anciens Montpellierains qui en "ont entendu parler" et "devraient la faire un jour"... Une montée pourtant maîtrisée depuis des siècles surtout par les bergers.

Cabrillac. Je traverse le hameau qui se protège des randonneurs qui ont des exigences en eau. L'humanité a des exigences en eau c'est quand même un comble non ?


Le gite "les hauts de Hurlevent" n'existe plus, ce refuge de mes premières escapades en Cévennes infinies.... Quelques néo-ruraux, assistants de fac des Lettres, coupent du bois pour décorer le devant des granges en ruines. Ils rénovent avec goût et convictions, te surveillant de l’œil comme ces Suisses à petits drapeaux et boules à neige. C'est le Perjuret presque en descente qui m'accueille après le col caché et ignoré un peu en amont (Fourques).


"Meyrueis la triste" est là, en bas. Dans un creux. Et un creux peut être désiré car tu y est en équilibre et crois parfois y être protégé. Je comprends aujourd'hui pourquoi quelques connaissances appréciaient le lieu. On y retrouve une ruralité et pourquoi pas un petit artisanat industriel oublié. Les gens y ont souffert et souvent pour rien. Ils sont enterrés dans ces cimetières toujours en ruines, qui grimpent sur quelques faïsses, dévorés par des ronces au milieu des cigales qui cette année sont remontées bien haut en altitude et latitude. Je pense que Meyrueis est "en attente de Geckos". C'est cela l'évolution, on va vers une nouvelle ère Jurassique avec des animaux formidables. N'y a t-il pas déjà des vautours ici qui te guettent à quelques encablures dans les gorges de la Jonte ?


L'arrivée à Meyrueis... Faut-il s'y arrêter ?
On annonce le passage de Sissi " la rebelle" ce soir... Si si..
Crédit : Aubrac-gorgesdutarn.com


Midi. Il fait déjà chaud. Je suis dans la grand rue comme on est dans la rue principale d'Anduze... Quelques hôtels surannés, grandes battisses de vieille France et j'avoue y être sensible à cette tristesse moi qui dénonce le raz de marée des épiciers nocturnes. Mais attention juste un peu triste car on l'a cherché. On a abandonné la place. On ne peut comprendre l'étonnement de l'humanité devant ce qui nous arrive. On l'a cherché."Bien fait pour toi ", comme disent les enfants.

« Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes. » 

Je monte désormais un nouveau col (Montjardin) celui qui me sortira du trou pour être sur le plateau de Camprieu. En longeant cette table, je pense souvent à Jean Carrière et son épervier et surtout à " la cavernes des pestiférés"... Livres à relire.


Les Cévennes, l'Aigoual qui te cachent, te protègent, te refroidissent ? Ne rêvons pas, ne rêvons plus. Ici c'est comme en bas, il fait chaud. Pareil. On y trouve les quelques familles de pestiférés ou de nouveaux communistes modernes (avec pouvoir d'achat quand même) qui, pour quelques deniers, vont se mettre au bord de l'eau et pourquoi pas lire un livre. Celui de l'année, en chassant les moustiques tigres qui ne philosophent pas eux, frères d'opportunités des geckos.


Une supérette leur procure le bonheur de rester un peu connectés et surtout l'aluminium des canettes et la nouvelle bière Cévenole qui est décrétée, par quelques shamans des fermentations " produit de luxe et de reconnaissance sociale des pauvres". L'amertume à un coût et il faut le payer. Oui, ils pensent "se mettre au vert" ou "à la fraîche". 

Erreur fatale car il fait quand même plus de 30 degrés à l'ombre sur ce plateau Canadien et c'est bien sec tout ça et, que les incendies suivent les Geckos, ne m'étonnerait pas plus que ça. Ces lézards, êtres magnifiques et adaptés de la prochaine planète des singes.


" Vous nous dites, on prendra le relais...nous sommes les équipiers de demain..."
Crédit BL


Je passe, après le " il n'y a rien à voir dans ce village camping sans âme", par Faubel puis, via l'Espérou, redescends sur Valleraugue. 

105 Km, ma comptabilité est en ordre. Je vais remonter avec Zoé pour aller voir le Tour de France sur grand écran au bar à l'entrée de l'Espérou. Il faut s'occuper... Puis direction Meyrueis pour jeter un regard "à la Zola" à cette bourgade. Sans concession, sans  amoindrissement.


La grand rue s'anime, je commande une pizza au Sully ? Le patron (Joel ?) aurait été champion cycliste autrefois. Hinault aurait vu en lui son successeur. Certainement une contrefaçon mais cela aide à vivre...Les histoires à la Pagnol, il y en a partout. Je leur pardonne.


J'aime beaucoup l'accordéoniste féminin de ce petit orchestre qui bloque le passage dans la grand rue. Une Porsche cabriolet décapotée passe avec un joli couple...Ils sont applaudis..!? "Bonsoir les pauvres ! Bonsoir la Province...On s'amuse ??"


"Meyrueis la triste..." s'illumine. Sissi est là au milieu de la foule. La nuit peut commencer, oublions nos soucis... Crédit BL


Pas trace de Tibétaines comme dans les les villages "Portes de Cévennes". Ici, c'est un peu différent. On doit y travailler un peu. Les touristes "bon marché", semblent apprécier ces valses d'une Vienne tellement loin. Peut-être que Sissi " la tragique" danse ici dans les bras d'un handicapé pour oublier des choses. Elle est méconnaissable. Les quelques spécialistes comme moi se demandant :  " Mon Dieu, mais que lui est il arrivé !??"...

Je trouve un bivouac un peu au dessus vers les grottes de Dargilan. La grosse Lunasse ne m'atteindra pas derrière ces arbres. La super Lune du Tonnerre, rousse et chaude. Sa couleur est certainement corrélée aux incendies. L'univers est au courant et joue les peintres de la catastrophe.

Crédit : Caminterresse.fr

Retour à l'Espérou. C'est un matin calme. Meyrueis dort encore. Les températures sont élevées certes mais plus basse que plus bas ( discours politique).


Je pense qu'aujourd'hui je vais encore pouvoir rouler et encore homologuer. Cela ne va pas être facile. Et pourquoi ? Simplement parce que le Massif de l'Aigoual n'est pas très grand et puis la zone au dessus de 1000 mètres est encore plus petite. Et puis, sur ces pistes et ces pentes, on ne va pas vite donc il faudra rouler l'après -midi, soleil au zénith. Un calvaire. On annonce 40°C à Nîmes, cette Babylone qui a failli être rasée déjà dix fois par la Nature.


Donc je vais bricoler. J'attaque par une nouvelle montée à l'Observatoire puis m'en vais faire le Lingas, premier massif des Transcévenol d'autrefois cher à François Régis Parès. Le Lac de Pises est désert. Condamné autrefois par quelques écolos, sauveurs de libellules, il  semble être la seule option pour nous donner à boire aujourd'hui.

Lac des Pises... Le calme avant la tempête thermique... Crédit BL

Ma descente sur Dourbies me fait comprendre que les thermiques pourraient pousser mon petit vaisseau à s'écraser sur un bitume qui coule. Oui ici le goudron est inadapté à la chaleur, bien noir, prêt à "cloquer" au dessus de 30 degrés. Climat de Montagne parait-il ? On se croirait plutôt en Espagne, n'ai je pas croisé l'embalse de Pises que l'on voudrait source sans fond ? On me confirme pourtant devant l'épicerie à Pélardons et autres mouches, une altitude de presque 900 mètres !

Je suis trop bas. Je n'attends pas et décide de remonter au frais par les Laupiettes et autres Laupies. C'est un peu hagard que je mange ma fougasse sur le banc de l’épicerie de l'Espérou. 

Des motards allemands s'installent, on dira plutôt qu'ils occupent le terrain et gagnent encore la guerre. La France est bien a eux, leurs ancêtres leur ont transmis le message, cela ne fait aucun doute. Ils placent leur BMW devant les escaliers et prennent d'assaut une table vociférant des cris type ceux du casting du " Vieux fusil" avec Noiret.


Il fait très chaud. Je ne comprends pas. Je suis à 1200 mètres. Il faut monter plus haut ? Mais où ?

Qu'à cela ne tienne je vais faire la Lusette. Ne t'en fais pas Bernard, il fait chaud mais tu es entraîné et peux rouler à gauche, sautant comme une mouche dans l'ombre des sapins et des hêtres.


Retour ensuite pour aller monter le col Montals, relativement ignoré vers les cascades d'Orgon.

Un vrai psychopathe de la comptabilité mais on ne se refait pas.

Pour finir, un aller retour, via Faubel, à Camprieu. Rien n'a changé depuis hier il fallait s'y attendre. 

Vous attendez quoi à Camprieu ? Qu'une soucoupe volante viennent vous chercher ? Elon Musk vous a promis Mars ? Trop fréquenté aussi pour abriter des amishs en guenilles.

Ne vous affolez pas les vautours seront les derniers à partir après vous. Ils aiment finir le travail.


Bon, 101 km, j'ai fait le job, je vais quitter ce soi-disant "refuge de l'Aigoual". Je ne suis pas déçu non mais c'est vrai quand le climat s'en mêle, il n'y a rien à faire. Je redescends. Arrêt à Puechagut. On dirait que c'est désert. Où sont passés les flonflons et les neiges d'antan avec Valéro qui pousse la chansonnette ?

Le Vigan. A l'instar d'un Vendémian, le Christ s'y est arrêté. Devant le panneau. Il a imploré son père d'éloigner de lui le Calice de cette urbanité en dérive.

Je gare la Zoé, j'ai l'intention d'y manger et d'y finir mon périple. C'est exceptionnel. En attendant, arpentons les ruelles. 

Une odeur monte. Ce ne sont pas les égouts avec des relents putrides, ni l'encens trop mystique, reconnaissable et souhaitable. C'est une odeur de vieux, une odeur de soupirails, de ruelles avant l'invention de l'assainissement, la ventilation et les parfums. Peut-être une odeur de Paris avant le plan de nettoyage du génial baron Haussmann.


Ici c'est l'arrêt total. Je le mesure depuis 40 ans que je passe ici pour des bonnes ou mauvaises raisons en vélo,  en voiture, à pieds. Qui peut vivre ici ? Je cherche les magasins Tibétains comme à Ganges. Rien. Et oui le Tibétain à besoin de la proximité de Montpellier. C'est trop loin. On parle d'être "au milieu de nulle part..." 

On n'est pas "Chrétien flambeur et flamboyant" comme les catholiques, on n'est pas Cathares non plus car pas assez de convictions et de rigueur. Orthodoxes ? Peut-être pour quelques réfugiés d'Ukraine... On doit être "Protestant non pratiquant" par sympathie historique. Un stade "milieu". Milieu de nulle part. 

D'ailleurs je dirai que l'on ne doit croire en rien dans le secteur. Tant qu'il y a un peu d'eau pour les pommes et les oignons, nul besoin d'invoquer les forces surnaturelles.

Je rentre.

Décidément, je n'avais pas de grandes attentes en partant dans l'Aigoual mais comme dit la phrase célèbre, "je suis quand même déçu". Il n'y a aucun refuge. 

J'ai quand même roulé un peu. 

Restons positif vous avez raison.

Les 3 fontaines sur les routes de l'espoir... Crédit BL






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