" Une belle progression nocturne... ". SAINTELYON - 29 et 30 novembre 2025 - 80 km
| Le départ. Un peu bruyant à mon goût. Moi j'aurais demandé le silence comme en début de cours avec mes élèves... |
La Sainteleyon on y va et on aimerait souvent ne pas avoir à y revenir. Parce que c'est difficile quand même. Et pourtant, d'années en années, les récidives s'accumulent. Va savoir pourquoi ? Un certain goût de la nuit ? On est sur un "dark trail" et comme le Seigneur Vador le traileur est certainement attiré par cette étoile noire, par le côté obscur de la chose.
Les conditions météos même si elles sont déclarées bonnes seront toujours délicates. Quoi que tu dises, quoi que tu fasses, tu auras, à minima, de la boue à gérer. Car le travail mécanique des coureurs qui sont passés devant toi aura modifié profondément l'équilibre des sols. Les contraintes et chocs appliqués pousseront à une rhéo-fluidisation qui fait glisser l'eau et aussi celui qui arrive derrière les autres. Avec les années qui passent, tu es de plus en plus derrière et les autres devant.
Il y a aussi ce dénivelé étrange qui sur le papier n'est certes pas rédhibitoire (2000 m ?) mais il est disons "mal rangés" comme les cailloux sur le Pic St Loup. Il te surprend en permanence lors des nombreuses remontées à l'issue de ruisseaux improbables.
Cette année Loïc, le fils, découvre l'épreuve et son comportement sera exemplaire.
| Un départ de nuit toujours dans la joie et l'envie de réaliser... |
Nous partons à l'heure (minuit) pour une fois non sans avoir écouté (supporté ?) les litanies du chauffeur d'ambiance qui finira, je n'en doute pas, après la dernière vague, dans un bistrot.
Il ne pleut pas. C'est déjà ça. Etre " à plat ventre" dans des flaques froides à éviter les glissades est le pire que j'ai connu sur ces bientôt ,(attendons la fin du texte), 9 participations. Il vaut mieux les neiges de Noël et les patinoires glacées des bois de Verfeuille que les pâteuses coulées diluviennes. L'eau comme disent les anciens " tu ne l'arrêtes pas, c'est elle qui t'arrête...Toujours." Contrairement au feu.
A propos de feux ces braseros des fans le long du parcours sont magnifiques. Ils convoquent des souvenirs immémoriaux.
St Christo est atteint comme dans un rêve lumineux. On le voit de loin et pourtant, il faudra encore une demi-heure. Déjà 2 h passées !? Mais qu'avons nous fait de tout ce temps à sortir de Sorbiers ?
Puis ce sont les crêtes. Il ne fait pas froid et cela rend joyeux. Entres St Christo et Ste Catherine tu ne maîtrises plus le temps, tu flottes plutôt dans les limbes ... On ne se rend pas compte qu'il passe. On est occupé. On a autre chose à faire. Mais quoi ? Survivre ? Aller vers un ponton là-bas ?
Ste Catherine, c'est un ravito en extérieur et on a les pieds au sec. Oui, il faut se méfier des ravitos en extérieur sur cette course.. Surtout quand il pleut pardi ! Donc se méfier des 3 premiers.
| Il faut s'arrêter parfois rien que pour regarder la chenille de lucioles... |
Mais là, ça va et on n'ira pas pour une fois à genoux vers St Genoux, avant-poste avancé de Soucieux qui peut poser problème (j'aurais pu dire souci...)...
L'aube se lève. On a résisté à la tentation des bus de Ste Catherine qui, comme au Canada, pays des nuits, des froids, et autres brasiers, gardent le moteur allumé. Ces bus sont un requiem d'illuminations pour ceux qui flanchent. J'avais prévenu Loïc avant. Transmission nécessaire de l'information des dangers.
C'est à l'aube que les gens meurent. Si, si.. Après une lutte aussi mémorable qu'inutile.
Loïc est en pleine forme, il semble même accélérer en côte et se jeter dans le vide dans les descentes. D'où lui vient cette aisance ? A-t-il temporisé pour attendre qui ou quoi jusque-là ?
Je commence à avoir quelques raideurs dans les jambes qui vont après ces 55 premier km m'obliger à " alterner".
| L'aube. Une autre course commence... |
Dans un trail, "alterner" veut dire, tu cours, tu marches...de façon alternative. C'est aussi "l'effacement" dans une certaine mesure de ton efficacité jusqu'alors. Un mode minimal sans échec. Le temps va passer et tu ne bougeras bientôt plus. Mais pas encore, il reste de l'autonomie et surtout de la lucidité. On dit qu'on se met en mode finisher ou en mode rando.
Ma préparation d'à peine deux mois ne suffira donc pas pour courir les 25 derniers km. L'ai-je cru un seul instant ? Le diplôme de finisher sera le but. J'ai eu d'autres flamboyances ici-bas. Et pourquoi l'écrire d'ailleurs ? Toujours s'excuser ? Qui me regarde ? Qui m'attend ?
La majorité du peuple en a vraiment rien à faire de tes sorties quand bien même nocturnes....
On court pour soi seulement. On ne le sait pas. On imagine autre chose.
| Sortie Soucieu. Chaponost est au bout... |
| L'étrange essayage du petit pont de la rivière... |
Voilà Chaponost et son étrange allé retour à l'entrée du ravito qui te fait penser que tu peux être devant comme tu peux être derrière. En fait, tu es devant et derrière. Chaponost, ce n'est pas l'anagramme de Chronopost.
Chaponost pour moi, c'est plutôt une lettre verte qui arrivera quand même et toujours dans le délai raisonnable.
L'aqueduc est attendu avec sa bosse qui ne ralentit finalement pas trop. Ce passage, je le photographie toujours, car il te déclare finisher. C'est un coup de fouet mental. Il te ressuscite, mais cela n'engage que moi. On oubliera ensuite le "vire vire " dans le petit jardin qui ne " sert à rien" puis ces escaliers à proximité haute des quais.
| Si tu es à l'aqueduc c'est que tu vas finir... c'est certain. |
On se demande un peu ce que l'on fait dans Lyon sous un crachin léger un dimanche en début d'après-midi. On va chercher des croissants pour se remettre sous la couette ? De toutes les façons un dimanche cela ne sert à rien alors,... autant être là.
Ces escaliers, j'en suis étonné, je les descends bien. Pas en marche arrière comme beaucoup à ce stade. Je pense m'être un peu fait manipuler par mon mollet gauche. Je dévale rapidement.
| La Saintelyon finit par un escalier que l'on aimerait monter dans l'autre sens... D'ailleurs il est parfois pris en marche arrière... |
Loïc est rentré (et douché) depuis longtemps. L'arithmétique est implacable.
Cela me fait plaisir. C'était mon projet. Lui devant, moi derrière ou, au mieux, moi avec lui. Ce classement c'est pour moi lui devant et moi devant. Va comprendre.
Il commence à exploiter son potentiel et passe quelques caps psychologiques. C'est le moment. Il est prêt à devenir lucide. C'est logique, mais quand même pas systématique dans les lignées que nous explique Emile Zola.
Je le remercie de m'avoir attendu. On a l'air étranges avec nos médailles en bois.
Ce sont les jambes désormais qui seront un peu de bois.
Pas évident d'aller retrouver la voiture pour moi ou le tramway et autres métros pour Loulou.
Bravo champion. Ta progression a été parfaite. Passage de relais ?
A la prochaine ?
| C'est que Marvejols-Mende, cela commençait à dater... |
| Bonne appétit !... |