Ce désir de Nice....2/2 ( 1135 km - 07 au 13 sept. 2021 )



7) ClunyEt si tout s'arrêtait là dans cette grande solitude ? 

On ne rencontre jamais personne quand "on abat" ne serait ce que 200 bornes par jour sur un vélo. J'ai toujours trouvé ridicules ces cyclistes qui parlent dans leur textes de nouveaux amis croisés alors qu'ils s'arrêtaient au bord de la route pour satisfaire un besoin naturel ou pour manger une barre de céréales. C'est décevant certes, et je le conçois, mais ce n'est pas le lieu. Le mouvement emporte tout. Et le reste. Même ceux qui en reviennent sont mis au ban, complices d'avoir bougé. Il faut vraiment du temps immobile pour rencontrer et encore, la qualité du geste en est à définir... Le mouvement est toujours solitaire, il n'amasse rien. Il faut être même prêt à faire demi tour pour espérer quelque rencontre. Pour moi, ce n’est pas pour demain. Je l'ai toujours dit : entre deux infinis, même si c'est strictement inutile, je force le déplacement. 


A Cluny, je passe toujours "à fond" rive gauche de la ville ignorant l'abbaye (c'est en descente!). Bon cette fois ci, je me le promet, je vais ralentir, m'arrêter devant l'édifice et, traverser la cour intérieure. Calmement. Vous avez raison. On ne sait jamais. 

Comme si on pouvait m'appeler, me parler alors que je sais que la voix ne peut venir que de mon être, à l'intérieur.


C'est le symbole de l’immobilisme, de la statique totale, de l'entropie définitive. 

Quand on entre à Cluny c'est pour sortir du Monde non ?

C'est un peu fascinant. Ne savent-ils pas ces moines qui, comme mon oncle Guy, sont "passés à la trappe", qu'il n'est pas nécessaire de construire une solitude aussi belle soit elle, pour s'isoler des autres et pourquoi pas être plus prêt de la vérité. Il suffit simplement de monter sur un vélo.

Je suis incessamment agité et je chemine seul dans cette solitude. Moi aussi je suis un espèce de moine mais, en mouvement. Mon vélo est une abbaye. Et que Chateaubriand me pardonne de donner cette précision et de faire ce parallèle. 

"Les Européens, incessamment agités, sont obligés de se bâtir des solitudes." Chateaubriand (René)1805.


Cluny. Faut-il s'arrêter pour être seul ?

8) C'est beau Mâcon,  la nuit !

         C'est dans un chuintement en négociant quelques vallons à l'ouest sur la route dite touristique,  que je suis entré dans la ville. Feu rouge arrière tout allumé, frontale prête à embrayer si les lampadaires font défaut... Une belle petite ville de province avec à peine 30000 habitants, pas encore urbaine, toujours un peu la campagne, illuminée calme...

La traverser est simple, pas besoin de guidage satellite, la Saône est à la perpendiculaire, il suffit d'aller droit et puis plouf ! C'est l'eau et il faut chercher le pont. 

Et il est magnifique ce pont St Laurent. St Laurent !? Le Canada...le fleuve... l'immensité. Que d'aventures ! C'est la Saône ou le St Laurent ?  Il me fait penser aussi au pont de Pierre que Napoléon (encore lui il ne faut plus lutter), avait fait construire à Bordeaux et que j'avais traversé en Diagonale sous les coups de minuit après une tirée de 300 bornes.

Pour fêter l'étape sortie du Mâconnais, je me fais un petit resto face aux quais. Ensuite et bien, "je fais claquer les cales" pour traverser et trouver un bivouac dans les marécages en face...
C'est humide, je n'en ai pas fini avec l'eau.

                                               "Les visions nocturnes sont parfois hypnotiques..."




9) Mère Nature...

Nous sommes en début d'après-midi. Je viens de bricoler un sandwich en zone commerciale de Crémieu. Au carrefour de Sablonnière, je m'arrête. Peut-être pour m'orienter, je ne sais plus, il y a tellement de possibilités pour descendre à Grenoble. Et là je reconnais un mur qui m'a réchauffé au petit matin en avril 1992 lors de mon premier Paris Nice. Ce mur il pourrait être "le Château de ma mère", tu ne l'attend pas, il est perdu sur la carte du monde mais le hasard t'y met devant certainement pour t'expliquer quelque chose. Oui je reconnais bien le mur de ce bar qui était fermé et les premiers rayons du soleil atrocement froids puis tièdes...Il est inscrit physiquement en moi pour toujours. Il est complice de cette attente du soleil qui est en nous.

 Et l'ouverture du café enfin. C'est le "château de ma mère..." Mais la mère Nature, celle qui réchauffe... 




10) L'Hôtel Paris Nice.  La "mauvaise rencontre" de Grenoble...




J'arrive à Grenoble en négociant au mieux la piste le long de l'Isère mais la nuit va tomber, il est tard et il y a peu de trafic. Donc je peux rester sur l'axe automobile. J'ai l'intention de sécher un peu le matériel et pour se faire de dormir une nuit à l'hôtel. Ce matin ce fut infernal dans le secteur Lyonnais avec tous les camions qui t'aspergent, te frôlent... Je l'ai mérité. 
Un établiseement pas cher évidemment, à la mesure de ma notion du confort, pour  pouvoir tout étaler et repartir à neuf demain matin. 

Sur une avenue plein est, c'est incroyable mais je vois l'enseigne illuminée de l'hôtel "Paris Nice". Il présente très bien sur le trottoir.  Cela tombe bien,  il doit être sympa cet endroit et correspondre à ma traversée. Un peu comme à Hendaye le fameux hôtel Santiago avec Philippe, le proprio qui, à l'époque, nous prenait en photo dans un confessionnal pour alimenter les premiers réseaux sociaux.

J'imagine déjà une soirée à parler avec le veilleur de nuit qui va me raconter tous les passages ici vers Nice. Les anecdotes des voyageurs. Cet hôtel n'est-il pas le descendant de la bâtisse témoin du passage des troupes de Napoléon, toutes joyeuses de monter sur Paris après le débarquement ? Et dans une des chambres,  Poulidor n'aurait t-il préparé un plan d' attaque lors de sa victoire de 1972 face à Merckx  ? Sean Kelly avait-il son rond de serviette ici ? Serions nous sur une variante connue du chemin  de St Jacques ? Tout est possible. Je soupçonne même qu'un certain Risso (GR), gloire cycliste éphémère, aurait pu y faire halte pour un Grenoble Nice organisé fin des années 70.
 
Ma joie est de courte durée, l'entrée de l'établissement est farcie de clochards multicolores, vautrés à même le sol, et quel chantier ! Un hôtel réquisitionné pour les sans abris par quelques associations caritatives ?  

Quelle déception ! L'histoire aurait été belle... Je m'en vais donc vers la fameuse ligne droite plein sud qui permet de sortir de la ville. C'est la ligne droite des BRA (d'avant le collapse), Brevet de Randonneur des Alpes), où nous suivions les motards tôt le matin avant qu'ils ne lâchent les troupes vers la Croix de fer... Je trouve un autre hôtel.













Étendoir bleu posé sur moquette...  




11) La variante Bonnette (2860 m)...

Après une nuit fantastique sous les étoiles dans une propriété Mexicaine de Barcelonnette, j'attaque au petit matin cette fameuse route qui fait peur à beaucoup de cycliste, celle de l'ascension nord de la Bonnette. 

C'est beaucoup moins difficile qu'un Ventoux par Bédoin. Montée souple, sans pente excessive, longue certes mais n'a -t-on pas le temps comme d'autres ont les montres ? Une matinée pleine.

 Je m'offre même l'escalade en poussant  le Cyfac pour aller jusqu'à la table d'orientation. A peine 5 minutes de plus. C'est ma contribution personnelle à la chose.  De là haut, je regarde  quoi ? - d'abord les sommets du Queyras et Viso de mes derniers étés et - tous ces cyclos bloqués à la stèle 58 m plus bas qui se croient pourtant au sommet... Et oui il manque ces quelques mètres par le petit sentier. Qu'ils aient ou non un GPS, de toutes les façons ils ne seraient jamais monté jusqu'ici. De là haut, je peux même entendre les voix de ceux qui sont restés au col. Se croyant eux aussi au sommet, 145 m plus bas...

Les Col Sud ou Nord sur le massif de l’Everest, ne sont pas l'Everest. La zone de la vie est bien au dessus... Il suffit d'un peu plus de volonté.


Col Nord ?

                                                 Le sommet... l'air y est plus rare c'est vrai... Les cyclistes aussi...


12) L'Apéro place Massena, Maréchal d'Empire ...

L'arrivée est toujours émouvante sur Nice. Et là, ça descend... Une après midi de descente... Incroyable ! Bon, c'est dimanche et ce fut un peu encombré, je suis de retour de week-end comme eux. Sauf que mon week-end dure une semaine. L'occasion de mesurer visuellement aussi les effets des inondations de la Vésubie et d'inaugurer pour moi la piste cyclable qui longe le var, rive droite. Un bon moment de tranquillité.

C'est le triathlon de Nice, les concurrents sont sur la promenade des Anglais. Peu importe, un vélo cela passe partout au milieu des vigiles. Le But c'est Massena, place Massena. 

Je me fais comment dire " un petit apéro" pour fêter ça.  A la prochaine... La prochaine fois je vous parlerai de la Brasserie du Globe. 

A-t-elle seulement existé ?




                                                                    Monaco à...Nice



 









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