Clair de Terre en Queyras...
La terre et son passé vue des sommets rocailleux du Queyras désertiques et inhospitaliers... |
Lorsque j'établis un bivouac, il faut toujours que je pense à la lune.
Le clair de Lune est le premier ennemi de l'aventurier.
En position statique, endormi et souvent profondément, ce dernier est vulnérable vis à vis d'un prédateur, j'ai nommé, l'homme... Il n'y a pas d'autres prédateurs que l'homme et s'il vous voit et qu'il fait nuit, il va vous braquer. Il ne sait pas trop pourquoi, c'est comme ça. L'homme est un loup Garou. Et comme dit Audiard : "il y a des statistiques là dessus".
En ce qui concerne les animaux sauvages, souvent prédateurs nocturnes, sous nos contrées, ils ne s'intéressent jamais à vous. Donc aucun problème. Je n'ai jamais compris qu'on puisse s'en inquiéter. Les sangliers et autres renards sont souvent venus dans le nuit me faire des petits coucous et puis voilà. Au moindre mouvement ça détale...Que voulez vous on fait peur à tous le monde.
Le clair de Lune, par contre est sympathique lorsqu'on est en déplacement. Bien que je lui préfère la frontale, ayant l'impression d'être entre chiens et Loups, ne pouvant faire confiance à rien ni à personne, ayant les sens perturbés. Un halo de frontale, c'est plus franc, net, fiable.
Donc, il est important à la belle étoile, de ne pas être aveuglé par ce clair de Lune qui va informer le prédateur de votre présence et, surtout, masquer son arrivée.
La nuit noire est la meilleure des protections, condition nécessaire, pas suffisante certes, mais... nécessaire. De plus il n'est pas naturel de dormir la lumière allumée. Non ? Vous pouvez ? Moi pas. Déjà que je supporte pas un petit voyant électronique au bout du lit.
J'ai beaucoup de connaissances qui organisent (le mot est fort) des bivouacs en pleine lumière ce qui est une erreur fondamentale. Ils croient se sentir en sécurité. N'importe quelle bestiole de la terre s’esclafferait... Ils en viennent à accentuer le claire de Lune en se plaçant, par exemple, sur un banc sous un lampadaire. Ils poussent même jusqu'à optimiser l'intensité du clair de lune en allant s'installer dans un Lavomatic illuminé au bord d'une avenue passante !? Ne faut-il pas paradoxalement, "être dans la Lune" pour imaginer de pareils choix... ?
Là, comme je l'ai écrit, ils sont gentiment braqués par le prédateur unique et performant (diurne et nocturne) que nous connaissons, et, au mieux, tout disparaît ( vélo, sac, matos). Quelle déception! Quel manque de lucidité ! Que de reniements de réflexes millénaires de sauvegarde de notre carcasse, donc de l'humanité! Je n'ai pas envie de compatir mais plutôt d'éclater de rire. Un petit pardon à ceux qui se reconnaissent...
Bivouac dangereux... |
Bivouac critique... |
J'avais effleuré le sujet lorsque j'ai dit, sur le blog (Aiguille de Goléon-Oisans), que je me protégeais de la lune en orientant ma voiture comme un paravent. Et attention, il faut aussi anticiper les mouvements de la lune qui va, sur quelques heures, balayer la voûte...
Bref, comme disait Jean Yann, "je ne dors jamais au clair de Lune". N'insistez pas.
"Le clair de Terre" , par contre, m'inspire beaucoup plus car j'aimerai le vivre. Mais pour ça il faudrait être sur la lune ou sur une planète pas très loin de la terre.
Il m'inspire pour quatre raisons :
La première est que : sur la lune ou autre astre du système, le problème du prédateur n'existe pas encore. On n'a pas établi de colonies là-haut et quel intérêt ? L'homme est prédateur de lui même dans le cosmos ayant vu beaucoup de films de science fiction qui ne font aucun doute...:) Un dommage collatéral accentué par la promiscuité et le confinement en milieu biologiquement hostile.
La deuxième est que la lumière du clair de terre, doit être un peu plus douce, plus soft, puisque la terre est plutôt bleue. Les radiations émises et réfléchis sont disons plus pastels, très agréables...
La troisième raison c'est que je pourrai prendre de l'élévation et voir la terre d'en haut, la terre de loin... Prendre du recul.
Enfin, être éloigné de la terre implique que je ne sois pas dans le même présent que la petite bleue. Il y a là un décalage temporel propice à la réflexion. En poussant je pourrai être dans un autre temps.
Bref le clair de Terre, propose un recul géométrique et temporel en mode tamisé sans prédateur.
Revenons maintenant (désolé, sans photos de cascades ) à ce petit séjour en terres de Queyras avec Jojo. Notre objectif de fin d'été, était de trouver une formule gagnante pour faire du "hors piste" à plus de 3000 m. De fuir aussi l'humanité puisque à ces altitudes, c'est un peu compliqué et il n'y a plus de GPS crédible...
On a donc gravi cinq sommets à plus de 3000 en 3 jours.
Je n'ai pu m'empêcher de penser à beaucoup de choses sur ces itinéraires au milieu d'un minéral lunaire. Nous prenions de la distance avec la terre en s'éloignant de son centre, ayant la sensibilité presque de l'observer du ciel, de l'imaginer comme des cosmonautes... Il y avait aussi ce recul temporel qui permet d'imaginer un passé que j'ai vécu ici. Et peu importe les années. Le passé du bonheur à Ceillac par exemple... Les passés du bonheur dans la vallée de Bercelonnette, mon histoire vers le Mt Blanc...
Nous avons expérimenté de "Magnifiques clairs de Terre sur le Queyras"...
02 sept. Pic de Panestrel - 3254 m , distance à la terre... Ici aucun prédateur, et une vision du passé puisque une grande partie des souvenirs Alpins est sous nos yeux... De belles couleurs pastel. |
03 sept. Mortice sud (3169m) et mer de la tranquillité... |