"Retour à Uzès... " ( 203 km – 15 août 2022)
Uzès, une promesse inutile ? Crédit : Uzes.fr |
Le 15 août, quelle date magnifique! C'est le point de bascule. On parle des orages, du grand nettoyage d'un été poussiéreux, on dit qu'on va vers l'automne. Et dans le sud l'automne c'est l'été indien et il dure. Les couleurs sont belles, les températures clémentes, l'humanité semble relax et disposée à se projeter plus loin.
Pour moi aussi, plus jeune, aller vers septembre a toujours été une promesse. La reprise des études et de la découverte. Un parfum de promotion humaine, sociale, par un travail personnel récompensé.
Que de promesses tenues ou non tenues ? Mais c'est un autre sujet. C'est vrai dans la vie, il n'y a pas obligation de résultat, et l'investissement parfois te propose un retour mais dans une autre monnaie que celle imaginée...
L'état psychologique se suffit à lui même, personne ne peut vous le prendre. Cette grande joie de l'arrivée de l'automne qui est peut-être supérieure à celle de l'arrivée du printemps.
A cette période, lorsque l'été abandonne ses rayons x, j'achète un agenda pour recommencer une nouvelle année, une nouvelle vie. Le grand nettoyage. Un "reset".
Oui, la vie peut (re)commencer en septembre.
C'est d'ailleurs l'état mental de beaucoup d'enseignants qui ne vont jamais vieillir. Dans quelques jours, ils seront au milieu du nouvelle génération, une nouvelle promotion avec toujours le même age. Bloqués. Un arrêt du temps. Un prof. a l'age de ses élèves. Il est l'élève. Et quand il ne l'est plus il faut qu'il disparaisse, comme les vieux éléphants au milieu d'un orage cataclysmique dans la steppe du Serengeti (Camargue).
J'ai connu ça. Et c'était bien. De grands moments d'illusions et de rêve de nouvelles chances.
Uzès est symbolique pour moi de cet état de "l'éternel recommencement" et ce n'est pas Jean Carrière qui me l'a inspiré (Années sauvages...), je le ressent tout simplement.
Nous avons enchaîné les contrariétés depuis quelques années ( virus, guerre, réchauffement climatique...). C'est surtout l'instantanéité de l'information médiatique orientée qui a fait des dégâts. Mon Oncle prêtre qui est "passé à la Trappe" est il atteint des mêmes maux de la culpabilité ? Je me pose parfois la question. On a besoin d'automne...
Allons ! C'est le 15 août et je vais moi aussi "monter au ciel", du moins, dans un premier temps, escalader le plateau d'Uzès.
Ce matin destination "café blog à Uzès".
Cette petite ville, je l'aime depuis toujours et elle ne m'a jamais déçu. C'est une véritable destination comme un très beau lieu de passage. Lorsqu'on atteint la ville, de retour d'un parcours monumental, on est toujours sauvé. Lorsqu'on atteint Uzès, au départ d'un parcours conséquent, on est toujours porté. Je l'ai vérifié lors de passage de Brevets kilométriques, de retour de voyage Alpins, sur une trace vers le Ventoux ou simplement en flâneries dite "de bocage".
Et même en oubliant le vélo, on a toujours l'impression dans ces ruelles d'être un peu à la maison. Assurément quelque part. La ville est sur un pog, elle domine, donc bien loin des marécages comme à St Gilles (pour citer un autre lieu par hasard). Ce fut un choix miraculeux. Macondo, la ville des Buendia qui finira dévorée par les fourmis et le sable n'était elle pas construite sur des marais ? Méfions nous du sel et des moustiques, comme les Corses se méfiaient de la Malaria en remontant le Tavigano...
Toujours plus prêt du ciel, cela sonne bien pour cette mi août. On peut d'ailleurs apercevoir la ville, de loin avec ses fanions et autres campaniles de Toscane... Une vigie. La Vigie des promesses de l'automne...
Rapidement j'arrive sur la rue principale pour m'attabler au café de l'Hôtel. C'est mon café choisi depuis toujours. Authentique surtout pour ses fantômes, qui sont là et te regarde voulant te dire quelque choses. Mais en vain, leurs mâchoires restent tétanisées comme dans les rêves ou les cauchemars. Mais suis je prêt à entendre ces choses ?
"Un café allongé"... On a le temps. L'express... o...il n'est pas adapté.
Le temps n'existe pas, il s'allonge, il n'y a qu'a demander à Carlo Revelli et surtout à Patrick Modiano avec ses soldats de plomb.
Ils voudraient parler... Mais ils ne peuvent pas... Il faudra monter bien plus haut pour savoir enfin... Crédit : BL |
On y déambule sans déception aucune, bien au contraire, comme dans un rêve, en piéton, ayant l'impression d'y apprécier chaque mur, chaque porte, chaque fissure, chaque éboulis qu'on voudrait d'ailleurs réparer pour rendre la ville plus éternelle. Quelques restaurants pourraient te faire penser à une halte en campagnes de Sienne, au milieu des ombres issues d'une éclipse de soleil qui s'étend...
La température est descendue depuis quelques heures et pour un cycliste c'est la promesse d'un meilleur rendement. Ne sommes nous pas des machines thermiques indexées sur quelques principes de Carnot ? Je décide ensuite d 'aller faire une boucle au nord par des villages qualitatifs. St Quentin la Poterie n'est ce pas mieux amené qu'un Vauguière le bas sous pesticides ?
Un petit tour dans Lussan, élu plus beau village de France et c'est justifié.
Encore sur un promontoire, on pourrait presque parler d'une "petite Uzès pour apprendre"... Une maquette du duché, à l'échelle un quart. C'est un détour inutile et long pour un cycliste qui serait pressé. Mais ce n'est pas mon cas aujourd'hui et de moins en moins.
A Lussan, sur les remparts, mon vélo, comme une boussole, oriente vers le Mt Bouquet... Crédit : BL |
Et surtout je ne vais pas omettre de m'alimenter en attendant mon prochain passage, mon prochain retour...
Le retour aux belles promesses de l'automne...
L'esplanade où Jean Racine appréciait les nuits plus belles que ... Crédit: BL |