Mt Ventoux - Lure - " A la gloire de nos pères ..? " ( 17 juillet 2021 - 221 Km )

 


Tout commence par un verre pris au relais du Ventoux, au milieu de la crèche du village de  Bédoin. Ce soir, l'humanité est revenu, elle anime les lieux... L'ambiance mortifère des derniers temps a (provisoirement?) disparue... Je fais bien de profiter de ce moment comme de tous ceux qui vont revenir. Après une petite marche dans les ruelles aux lumières chaudes, le cauchemar du couvre-feu étant interrompus, je vais rejoindre mon bivouac.




Un verre au milieu des ruelles de la crèche de Bédoin... C'est Noël !? 



 

L'objectif de demain est ambitieux, plus de 200 bornes avec du dénivelé. Il vaut mieux, dans ces conditions, gérer le déplacement la veille. Je n'ai pas envie d'identifier des sangliers demain matin dans les phares de la Clio. Le départ réel sur le vélo se fera au plus tôt. Autant être sur place. J'ai un bivouac référencé à un peu moins de 1 kilomètre du bourg. Efficace.

Le projet donc est de faire l'enchainement des faces sud Mt Ventoux et du Signal de Lure en partant de Bédoin aller-retour. On ne va pas parler ici du Ventoux, il a eu ses lignes de gloire, et même ceux qui ne l'ont jamais gravi, sont intarissables sur le sujet. Cela m'étonnera toujours mais c'est ce n'est pas plus mal. Les plus grands spécialistes reconnus sur le cyclisme n'ont jamais chevauché une bécane, les spécialistes de Napoléon détestent les armées.

Mais qui connait le Signal oublié de Lure ? Ce n'est pas une collinette à la Pagnol puisqu'on donne quand même  1826 m d'altitude (à la pointe), 1750 m au col.

La boulangerie de Bédoin ouvre à 5h30. Il faut s'en étonner bien sûr mais c'est un vrai réconfort. Les dépôts de pain (industriel) du bled ouverts jusqu'à 2h du matin remplacent souvent en France profonde, l'artisan boulanger qui lui a jeté l'éponge. A l'instar des auberges à la Française. Me voilà, presque surpris,  vers 6 h dehors sur une table, à boire mon café en discutant avec le Boulanger devant  la ruelle centrale. Combien de fois ai-je cherché, disons dans les 20 dernières années (pour ne pas dire plus) une boulangerie matinale ?  Serait-ce un retour des choses ? C'est vrai Bédoin est la Mecque des cyclistes, il y en a moins dans le Périgord et ils sont très différents.

Belle ascension par Bédoin en un peu plus de 2 h, il n'y a pas grand monde à ces heures matinales dans le Ventoux, je l'avais programmé. Je ne m'attarde pas, négocie la longue détente vers Sault et trouve en sortie un vélociste pour trouver une chambre (ma roue avant est victime de crevaison lente).

Il faut désormais aller chercher le pied de Lure, quelques kms sur un plateau bosselé au milieu des Lavandes et autres lavandins bien bleus.

 

 

On dit "bleu lavande..."


Revest du Bion, Banon (pique nique) et sa librairie Bleuet très esthétique et médiatico-touristique puis pour finir, St Etienne des Orgues. Le temps a passé et il m'a fallu bien 2 heures depuis le sommet pour oublier le Mt Ventoux et me reconditionner pour de nouvelles aventures. Le Mt Ventoux est tellement imposant et athlétique qu'il  te marque dans ton corps et ton âme. Combien peut-on croiser de cyclistes errant à son pied, qui après une ascension, ne trouvent plus ni vitesse, ni braquets, ni motivation pour rien ? C'est spécial. Il faut un sas de décompression. Ces champs de Lavande et ces odeurs incroyables, parfois sucrées, caramélisées ( distilleries ?),  enivrent le cycliste en transhumance.

Après avoir pris de l'eau en contrebas du village, j'attaque les rampes de Lure, il fait chaud, c'est le début d'après midi. La route n'est pas pentue et j'ose le dire, on peut s'ennuyer ici. L'altitude doit rafraichir lentement le cycliste. Je rêve parfois de plus de dénivelé non pas pour en finir mais pour être plus au frais plus vite. Pour prendre 100 m il faut 2 bornes, c'est long...

Station. Une certaine désolation. Rien à voir. Merci les motards de faire vivre ces bistrots. Encore quelques hectomètres et cela deviendra presque plat pour se retrouver au pied du signal.

 

Voilà l'enchainement est réalisé mais relative déception par ce côté. Manque de splendeur, manque de pente, manque de grandeur, manque de paysage. Les tours à 5G sont ignobles.

 

Giono vantait souvent l'endroit mais ce n'est certainement pas celui de cette route. Plus en contrebas, pas très loin certes cela doit être autre chose. Lure il faut y être à pied certainement. Comme Tesson et d'autres sur les chemins dits noirs. J'ai préféré la face nord, réalisée il y a quelques années lors d'un opus Twingo.

Je redescends par le même chemin, mon final définitif sera les gorges de la Nesque.

J'aurais pu certes basculer vers le Jabron et finir par l'homme mort mais je n'ai aucune idée du timing kilométrique et n'ai pas pris de lampe ( ce qui est une erreur car les jours diminuent).

 Le vent est de face mais peu de difficulté, je reste à des altitudes de 7 à 800 mètres et vais facilement de villages en villages. Je flâne.

Le revêtement de la  Nesque a été totalement refait. Un vrai billard pour récompense. J'ai dit bonjour aux quelques sangliers posés là derrière les barbelés à son départ.


Lorsque tout est accompli, la Nesque attend le cycliste. Pour le remercier de son courage, elle lui donne plus de 20 kilomètres de gratuit...

Comment ne pas avoir une petite pensée avant de faire la boucle de Flassan et retrouver ma voiture à Bédoin, pour un "artiste Montpelliérain" nommé François Régis Parès,  alias FRP, (ex Président des Cyclotouristes Montpellierains, club historique déchu et englouti).

La rumeur ou la légende nous explique à nous cyclos, qui ont l'oreille intéressée, disons qui sont attentifs aux choses conséquentes , que le Fantôme de ce cycliste hante ces lieux une fois par an, de façon furtive et rapide entre Ventoux et Lure. Il réalise un trajet conséquent de plus de 200 bornes.

 

J'ai plus que croisé l'énigme Parès au cours de ma carrière. Notre vie s'articule sur ce que réalisent où n'ont pu réaliser nos modèles, nos maitres, nos pères...

Notre dernière rencontre fut le 5 juin 1999 lors d'un 600 qualificatif pour PBP. La pluie nous a cueilli vers Rosans et nous avons trouvé abri dans un tunnel. Ce jour là, il était perdu, sans phares, en dérive depuis le matin, à l'agonie sortie Aix,  oubliant son bidon, bref subissant la longue distance qui s'échappait à lui depuis la "gifle de 1983 sur PBP"... Un vrai touriste.

Il avait peut-être besoin du fils. Du moins cela me faisait plaisir de le penser. A l'époque aussi, façonné par une culture judéo chrétienne qui transforme l'échec en victoire,  je donnais dans l'humanitaire, ce qui serait totalement inconcevable aujourd'hui même si ce n'est pas forcément définitif. Nous avions dormi sur une dalle béton à Nyons pour éviter les éclairs et la foudre, rien de très agréable certes, surtout que j'avais l'ambition cachée de finir en 30 heures. Les conditions en ont décidé autrement.

 Parès serait toujours vivant mais comme disait Audiard " le temps passant,  le doute s'installe... "

Pour ma part, je préfère souvent les légendes et les fantômes aux réalités. C'est plus confort.

 Je te dédie presque ces 221 km FRP. J'étais, parait-il sur ton parcours et ton enchainement.

 Belle journée. On dira : "une petite classique Provençale de plus pour moi".

 

1999 - Photo (non truquée) dans un tunnel en aval de Remuzat ( route de Nyons)  de FRP.
Mes derniers instants avec un maître, qu'on aurait voulu peut-être, va savoir ?, appeler papa.



 



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