MADERE, le purgatoire de l'humanité...(3/3)

 "Barbecue, quand tu nous tiens...!"

Toujours prêt pour les flammes...

Me voilà en approche de ce qui sera la plus belle étape avec cette enchaînement extraordinaire de los Picos do Areiro y Ruivo. Rassurez-vous il n'y aura pas sur le camino, les "machines outils" qui parlent ce langage étrange et pas très rassurant usité dans le film "le vieux fusil"... 


Je prends de l'altitude et, peu après le Paso de Poiso, où d'ailleurs un abruti de garde forestier laisse son gros SUV tourner alors qu'il prend son café à l'auberge, je m'étonne du paysage très ouvert.

La végétation se réduit. Plus un arbre. Je réalise qu'il y a eu un énorme incendie et que de petits arbres ont été récemment plantés. Plus loin, une immense aire avec de nombreux barbecues pas moins grands...

Le rapprochement est immédiat. D'un côté on veut protéger la forêt et de l'autre on continue à faire des grillades au milieu de la forêt. Tout s'annule. Bravo l'humanité !

Plusieurs fois sur l’île je vais trouver d'immenses barbecues à disposition ( et pour qui d'ailleurs ?) au milieu de réserves ou parc naturel. Un danger sachant que les canadairs doivent... traverser l'Atlantique ou le Pacifique... Le temps d'arriver, les pompiers locaux, José, Luis et Tiago auront plongés dans la première levada...



Petit arbre deviendra grand, pourvu que barbecue lui prête vie...



Toujours ce regard de vainqueur qui nous laisse perplexes...


2) Magnifique forêt, pour expérience de mort imminente...


Near Death Experience...



Dans la série de l'étrange, me voilà en contrebas du Pico das Torres sur un sentier plus que particulier. J'arpente au milieu d'arbres blancs calcinés. Ils sont magnifiques... Tout est calme, silencieux. L'impression de traverser un cimetière, ou d'avoir quitté la terre provisoirement. Est-ce le grand tunnel blanc avec la lumière au bout décrit par Labro et bien d'autres ? Le passage de ceux qui naviguent "entre deux eaux" pour se perdre dans les limbes..? Vais je revenir ? Qui va me faire revenir ?




3)  La solitude et  la face cachée des mondes...

Il est temps de quitter l’île, mon avion décolle de l'aéroport porte-avion CR7 dans 2 jours, à l'aube... Si le vent le permet évidemment.  J'ai lu quelque part qu'un passager voulait faire un procès à la compagnie car il y avait du retard au décollage, la faute à un vent latéral violent qui bloquait les avions au sol. C'est vrai, pas d'échappatoire, si tu "te manches" (de manche à balai et de "comme un manche"...), tu te prends la  montagne ou  l'océan... Au prix où on a pas payé le trajet, c'est vraiment trop bête... Le low-cost oui mais, en toute sécurité. Ce n'est pas la compagnie qu'il faut attaquer mais la planète. Du vent ? Mais quelle idée !? Je vais louper ma correspondance pour DubaÏ, le selfie devant la tour Burj Khalifa pour les collègues restés à quais de Seine, mes amis très connectés, mes amis des manifs à la Bastille et aux apparts à un million d'euros.

 

Mon but est d'aller "bricoler" au nord de Machico, lieu d'arrivée de ce fameux trail "transMadèra... " L'arrivée sera-t-elle plus belle que les égouts de Maspalomas (Gran Canaria) que nous avions arpentés avec Jacques il y a  deux ans. Tout ça  pour aboutir à une banderole flottante sous les vents dominants qui traverse un terrain vague d'une cité balnéaire en attente de devises germaniques ?

J'ai fait mon petit tour dans Funchal pour aller déguster un verre à la Madeira Wine Company, nom qui sonne bien, très international, adapté aux rotations bruyantes de TAP Air Portugal. Le portugais lui ne boit plus, il a trop travaillé à ranger les cailloux, à remonter les levadas, à astiquer la maison de Ronaldo pour préparer l 'orgie avec ses potes de la juventus... Son espérance de vie en a d'ailleurs pris un coup.

Un bus" fou" me pose à Machico où illico je vais au bout du ponton de bois de la marina  pour ressentir le désir d'aller au limite, "vers l'ouest" comme on dit,  pas forcément très utile mais culturel et/ou génétique. D'ailleurs ne dit on pas  "être à l'ouest" quand finalement on est un peu perdu et au bout d'un truc, au bout d'un ponton.

J'adore aller nulle part...

J'escalade la Misericordia, une bâtisse à l'abandon, fermée, grillagée, espèce de bunker pas fini... J'ai du mal à trouver un sentier le long de la mer. En fait il n'y en a pas, je fais l'itinéraire. A Pico do Facho, espèce de point de vue sur Machico en contrebas, je m'assois sur un banc et reste une heure à regarder les touristes qui descendent des minibus pour cette coquette station sur le chemin de croix de la mort. Ils chuchotent, s'engueulent parfois mais attention, amicalement, pour cause de tendresse quand même. On en a pas chié toute une vie ensemble sur les machines outils et en HLM pour s'engueuler là,  au terminus aérien de la voie. Un caniche qui virevolte, une glace qui, c'est vrai, ne vaut pas les Italiennes du voyage en Toscane avec la Paroisse... Puis : un frisson, on préfère retourner dans le bus en attendant les autres. C'est violent tout ça quand même, ce fameux vent frais de la mer qui te fout une grippe et mets en travers les Airbus....

Pour ma part, je rejoins Canical pour manger dans un resto, espèce de cafétéria de Perthus, ... Je suis dans le bled du pétrole, zone franche industrielle. Une nouvelle nuit à le belle étoile et ce sera demain un final en beauté par un sentier des douaniers qui n'existe d'ailleurs peut-être pas. Et ce n'est pas grave.

Le musée de la Baleine est étrange, je le visite au petit matin. Je suis l'unique visiteur du bâtiment dans lequel on pourrait placer la cathédrale Notre Dame de Paris avec sa flèche d'autrefois. Les 3 hôtesses sont très contente de voir quelqu'un, je ne doute  cependant pas  que l'on s'est arrangé pour que quelques minibus finissent là  dans la journée, piégés par l'ennui entre deux cafétérias. Encore une construction financée par l'Europe et sa commission environnement dirigée par un énarque qui te manipule les chiffres... C'est un hymne à la destruction des baleines, j'avoue que je m'y ennuie un peu beaucoup mais bon, il y a ce mur des célébrités... Le mur des tueurs de Baleine. On dirait un mémorial de gens disparus comme dans les camps de concentration sauf que là ce sont les baleines qui ont étés génocidées,  brulées après capture pour récupérer la graisse, faire des expériences culinaires ou esthétiques...



Le gang des tueurs de baleine,la veille de leur communion,
 tous des cousins de la famille Buendia.



Je vais rester un long moment à regarder les visages des sérial killers, à la recherche au coin de la bouche,  d'une ride attachante,  d'une humanité... Allez, ce sont des descendants des chasseurs cueilleurs, les chasseurs  de baleine...Respect pour l'histoire. Paix à leur âme et que les baleines leur pardonnent.

Seul, il y a 8 jours que je suis seul sur cette île et je parcours pour finir, un sentier mal entretenu... La mer devient marronnasse, je ne comprends pas. Je spécule, sur la face cachée de l’île, si Funchal brille au sud, elle doit aussi rejeter des déchets... Et ils sont peut-être au nord. Les choses ont un prix... Peut-être les égouts du sud sont rejetés ici. Aucune route à Minibus par ici rien à voir...L'endroit idéal pour mettre sous le tapis.

Mon arrivée descendante sur Porta da Cruz...me confirme cette impression. Ici c'est un peu l'abandon, le bout de la route, le cimetière des déchets. Une odeur me prend, ambiance bâtisses à l'abandon, terrain vague, bois flottés un peu partout.

C'est  le village de Garcia Marquez ... La fin d'un siècle... Les cents ans de solitude... Les ruelles sont minimalistes, désertes. Peut-être ai-je croisé Aureliano le triste. Et où se cache donc la vieille Ursula ? Le bonjour à Aureliano Babilonia!  

Les fourmis et la peste (de l'insomnie et bubonique) vont peut-être bientôt engloutir ces quelques maisons...




Macondo ou Porto da Cruz en Portugais

On pourrait déjà distinguer, près de l'église, l'arbre de José Arcado Buendia,
fondateur, "à l'insu de son plein gré", de cette solitude.

Déçu, j'ai voulu faire du stop pour retrouver Machico mais j'ai préféré le bus de la mort sans ceintures, avec un chauffeur fou qui emplâtre les virages en conduisant d'une main... Je me retourne les passagers aux cheveux blancs ont un sourire béat de l'au delà. Le bonheur d'après.

Pour rouler à gauche et  "à fond la caisse ", 
il faut s'accrocher... Les passagers sont d'accords.
On n'a plus rien à perdre...Dieu est si proche...


Ce soir Poncha sur le port puis je vais marcher un peu  me coucher en bout de porte-avion, devant les pistes illuminés. Les derniers décollages. Je reste fasciné.

 Nous sommes le 17 févier 2020. Bientôt va commencer une nouvelle ère. Laquelle ? Restez vivant pour le savoir. Surtout gardez en vous "l'invincible printemps" bien nécessaire pour une deuxième chance...

Je dédie cet étrange voyage à la grand mère de Rémy.  "La Mamia" qui était de notre petit village du monde, bien réel lui. Un village nommé Macondo.

 

  

En bout de piste, une piscine Olympique abandonnée (payée par l'Europe)...
Un plongeoir de choix pour l'humanité ?


 

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