MADERE, le purgatoire de l'humanité...(2/3)
1) "Il était une fois dans l'ouest..." Un film pour chacun.
C'est toujours l'Atlantique mais aussi un peu le Pacifique... |
Il m'a fallu quelques jours, quelques heures pour traverser l’île d'est en ouest de Porto Rico (pied du porte avion aéroport) à Porto Moniz. J'ai fait, en quelque sorte, "l'ultra trail de Madère à l'envers..." Cet Ultra qui sera annulé pour les raisons qu'on connait.
J'ai devancé le confinement, la porte s'est refermée derrière moi. Je devais aller vers l'ouest avant de finir en prison...
Cette photo pourrait symboliser l'océan sur le tableau de Morton dans le wagon en compagnie de ce cher Frank, sur des musiques d'Ennio Moricone...Qui suis je ? FranK, Morton ou l'homme à l'harmonica ? Les trois ? Devinez. Moi, je sais.
Porto Moniz et ses piscines naturelles, l'arrivée ou le départ...? Le Pacifique selon "tchou... tchou..." |
2) Le frelon asiatique... mal nécessaire de la mondialisation ?
Alors que cherchais à trouver le sommeil (lors de mon transit de départ) sur une banquette de l'aéroport de Lisboa, deux asiatiques (typés chinois) sont venus s'installer en face de moi, en vis à vis. A l'époque, le Covid était simplement localisé en Chine, une province était confinée et on avait simplement quelques doutes sur sa possibilité d'expansion dans le monde.
Dans un demi sommeil, suite à ce climat particulier naissant, beaucoup de choses se sont bousculées dans ma tête... J'ai pensé d'abord au Phylloxéra et les nombreuses pathologies américaine exportées. Celles ci bien connues de la viticulture dite moderne (Mildiou, Oidium, BR...) que l'on ne sait toujours pas comment éradiquer ou traiter, sans faire une minimum de "casse environnementale..."
J'ai eu en vision également cette mouche Suzukii (une belle moto...) qui fait depuis quelques temps des dégâts dans nos vignobles et vergers... J'ai surtout pensé au frelon asiatique...Et pourquoi lui particulièrement ? Simplement parce que mes deux compères chinois ou que sais-je... se sont mis des protection sur les yeux pour mieux dormir... Ils étaient étranges, on aurait dit des insectes oui, à minima des insectes asiatiques.
Avec leur corpulence et la taille des protubérances oculaires, d'un bleu expressif, j'opterai même pour des frelons asiatiques. Carrément. Brrr.... Pauvres abeilles ...
Étrange journée que celle du 12 février. Après avoir pris une leçon avec cette éolienne apparemment immobile et pourtant en mouvement, me voilà parti vers un nouveau dont je n'ai absolument pas la moindre idée. Je ne sais même pas où je vais. C'est vers l'ouest c'est certain mais il ne faut pas s'attendre aujourd'hui à trouver du GR avec de beaux pavés judicieusement placés, comme hier sur la fameuse étape des sommets de Madère (Arieiro et Ruivo).
Premier frisson à Bica Cana. Le refuge est à l'abandon, déserté, peut -être hanté ? Je fais une photo d'une statue d'un saint j'imagine (St Christophe ?). Lorsque je l'examine je vois mon image à côté de la statue. Serait je passé de l'autre côté sans m'en apercevoir ?
Ensuite c'est une longue ligne droite, une "route de Salinas" si vous voulez même si James Dean a un peu vieilli, ce qui est un comble, lui qui a été totalement crée pour mourir jeune et fasciner ceux qui restent bêtement semble-t-il sur la terre pour l'invoquer. Puisque inutile, cette route, je pourrais la parcourir en stop, un gars avec un sac à dos qui fait de la randonnée n'attend jamais plus de deux minutes mais mon éthique m'en dissuade... Je fais la trans-madère intégrale et pédibus.
Il y a pas mal de route pour rallier la levada finale da Ribeira da Janella, magnifique linéaire de 12 bornes qui mène "au Pacifique" à l'ouest de l'ile...L'arrivée du train quoi. L'après midi avance, d'ailleurs un chauffeur de minibus pour Germaniques agenouillés au confessional d'un point de vue, me met en garde contre l'obscurité qui avance... Quelle nuit !?
A ma droite la forêt est bien dense, tropicale, très peuplée d'espèces libres (non humaines), c'est une réserve... Si tu veux la pénétrer vraiment tu prends une levada et tu ne t'écartes pas d'un mètre...La levada finalement c'est un pénitencier pour Germaniques, tu mets deux gardiens à chaque bout, personne ne s'évadera...
Au sommet Bernal je quitte la route pour une piste descendante, il va falloir perdre un km de dénivelé et je n'en ai pas conscience du tout. Pas grave, j'ai à manger dans le sac et surtout la frontale.
Je me fourvoie sur la gauche sur une décision simple, binaire... Marrant, je sais que ce n'est pas là, quelques signes, une branche en travers du chemin, un rétrécissement illogique, mais il ne passe tellement personne ici... Mon idée c'est de trouver la levada et puis basta, lavage des pieds et du corps pique nique réparateur...Je dois être pressé, je perds l'espace temps.
Virages après virage au milieu de la forêt tropical, je chute... Je passe une carrière abandonnée du livre de la jungle, puis j'entends l'eau, le bruit des cascades... La levada est par là c'est certain, s'il y a de l'eau... Je suis comme attiré par ces chants qui sont un leurre, la douce musique des chants de Maldoror... Et je continue. Encore et encore... Toujours plus bas.
Heureusement, je reprends le contrôle, mon côté guide certainement, cette petite voix qui me sauve depuis toujours et accepte l'échec. Ce n'est jamais facile d'accepter l'échec lorsqu'on a fait du chemin sur sa route... C'est pourtant la chose qui sauve... Je reviens vers la carrière, c'est long, je remonte, il faut allumer la frontale et ne pas s'égarer en montant car cela finissait en sentier deviné... Je vais finir de nuit. Je retrouve la bifurcation. Voilà. Vas Bernard, plan B, la levada c'est en bas...
Des rats bien noirs me croisent sur le chemin, des chouettes décollent dans un fracas... C'est un vrai chantier permanents... Et je descends dans les profondeurs. Non, il n'y aura pas de ciel, de clarté, d'étoiles, de vent frais des sommets. J'ai des frissons. Je crois que j'ai crié face à ces ténèbres impénétrables, histoire de dire que je n'aurai aucun adversaire que je ne saurais combattre...
Voilà la Levada... Le panneau des ténèbres...
Pour sortir enfin des ténèbres, c'est à gauche.... |
Surtout ne pas se poser là. Toujours "sortir de l'accident". C'est une règle.
Je vais marcher une heure encore, douché par des cascades froides au milieu des tunnels, attentif à ne pas tomber dans l'eau, ignorant la fatigue.
Ma frontale fait briller les yeux de multiples personnages qui me toisent et me testent.
Puis le calme. Quelques mètres carrés au bord du ruisseau... Mon bivouac. C'est fini. Je le sais.