La route CZ (2/2) (Chamonix-Zermatt-randonnée-Juillet 2018)

5) « Le bivouac inespéré…»


Comme bivouac il y a pire... Écoutons en attendant la nuit, la répétition du concert de piano....

 Etape N°8 sur le topo qui est en fait prévue comme une récupération entre Arolla et La Sage (hameau). On va faire un peu de hors-piste comme aux Canaries avec cette pluie, l’herbe mouillée, qui est l’ennemi des pieds pour le randonneur. Nous remontons sur le hameau de La Sage avec sa fontaine et son église. La pluie revient en début d’après-midi. On décide de ne pas bouger. Au-dessus c’est à 3000 et puis ça sucre un peu (neige). Nous y rencontrons Angélique (« marquise de la Sage ? »), vieille dame qui nous tiendra compagnie en refaisant le monde. Très intéressante. Elle a les clés de l’église en face… 
Avec Jacques nous cherchons sans grandes convictions le bivouac de ce soir. Plus haut trouver l’abri sera risqué, très aléatoire. Il y a plein de granges, les clés sont sur la porte des "coffres" à grains, tradition Suisse oblige... Nous savons également que, derrière ces fenêtres, nous sommes surveillés. Sensation étrange que te procure ce pays et qui est une réalité. Tout est ouvert mais prends garde !! Jacques propose l’église. Il me dit «  c’est l’abri des pauvres, personne ne peut rien nous dire ». Je n’y avais pas pensé. Après avoir obtenu quand même, l’autorisation d’Angélique, nous allons apprécier  d’être à la mezzanine avec l’orgue pour nous tenir compagnie. Mon premier bivouac dans une église à ma connaissance…
Au pied de l'église et de la fontaine...

Beau bivouac sur un plancher de bois au sec...

6) "Généralisation du bivouac en église..."


Après cette formidable nuit à La Sage, on va récidiver les bivouacs en chapelles  sur les étapes suivantes. L'église de Zinal d'abord. Enfin, pour moi, veille d'arrivée la petite chapelle du hameau d'Ottavan sur l'Europaweg. Si ces lieux de culte restent ouverts toute la nuit il doit y avoir une raison. C'est calme, propre et sec. En Suisse, il n'y a pas trop de vandales, surtout en altitude. J'y ai même allumé une bougie alors que dehors il pleuviotait... Profitons en. Merci qui ?


Chapelle d'Ottavan à 2250 m d'altitude...

7)  "Pourquoi se déplacer alors.. ? " Un peu de sagesse à La sage...

" Le Cervin, m'apparut brutalement sur un mur ..." Je l'attendais ailleurs, pas si tôt.., pas ici...


Je finirai par cette rubrique. 
Il y a certainement beaucoup de choses à dire sur CZ. La plus importante c'est d'aller vérifier toute ces choses par vous même, physiquement et mentalement. 
De temps en temps, au cours de mes déplacements (rapides parfois ?), diagonales, voyages itinérants, bivouacs successifs etc... cette sensation de passer à côté des choses vous transperce. Si je m'arrêtais là en ce lieu, n'aurais-je pas à y gagner plutôt que de continuer sur tous les axes comme une mouche tenace et perdue ? C'est le syndrome du changement de vie, de la disparition, de la rencontre totale et inespérée, qui atteint le voyageur (normalement constitué). N'ai-je pas cité souvent Tonia Todisco jamais rencontrée (sur une Eurodiagonale) et "c'est un grand malheur..." Le déplacement ne permet que l'éphémère. "Pierre qui roule n'amasse...rien" (ni biens matériels, ni biens immatériels)  
Au hameau de La Sage, qui aurait dû être traversé à la vitesse de l'armée de Napoléon en retour d'Ile d'Elbe si la météo avait été plus favorables hier soir et ce matin, quelques signes nous ont été adressés à Jacques et à moi... Je les ai senti et y ai été malgré tout attentif. Ne suis-je pas à un virage qui me mènerait à une forme d'immobilité et donc plus à l'écoute des signes et des intuitions ?
D'abord il y a cette fontaine qui nous propose de nettoyer, sécher, de s'arrêter. Ensuite, cette pluie qui nous arrête et nous dit stop. Elle s'adresse peut-être à Jacques aussi, rapport à ses pieds, qui se dégradent un peu sous la cinétique. Cette rencontre avec Angélique "la fameuse Marquise" qui, totalement immobile, nous dit qu'ici elle est heureuse, que quand bien même célibataire et âgée désormais, elle n'a jamais été seule et sans regrets. Cette église aussi qui nous ouvre ses portes pour la nuit. Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ? Combien de bivouac dehors à me geler près des cimetières alors que la maison est  ouverte ? Le piano à queue dans l'église qui me dit (comme celui de la gare TGV de Valence) : "Bernard alors tu veux jouer vas y..." pas besoin de sac à dos pour ça... J'ai joué un peu le soir sur le clavier, alors que Jacques s'installait devant  l'orgue avec son duvet de compétition. Un son lointain, un son qui est parti où ? Papa Lima Tango Charly (Mon père organiste, décédé) était peut-être là, qui sait ? .Ces personnes dans la rue, enfin, qui nous proposent plusieurs fois,  de visiter l'exposition d'un peintre à 50 mètres...  J'y suis allé, la maison était vide, personne, pas de gardien, que des peintures et du silence. Et j'y ai trouvé le Cervin ... Le but de  CZ était là sous mes yeux, sur une toile sur un mur. C'était fini. Tout l'information (comme au début du Big Bang) était entre une église, un piano, une fontaine, Angélique, un café, une peinture du Cervin dans un espace-temps de 2h et sur quelques mètres carrés...
Et pourtant nous sommes repartis le lendemain,  plus loin...
Pauvres de nous.


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