La boucle de Melquiades... ( mardi 30 septembre 2025 - 66 km)
![]() |
| J'ai su enfin, en parcourant cette ligne droite des Tourilles, que j'étais exactement |
Reparlons de phénomènes cycliques...
Au début des commencements, l'avenir semble une droite qui va vers l'infini, une véritable flèche que rien ne peut arrêter. C'est du moins la perception de l'enfant. Puis, chemin faisant, il s'aperçoit que la trajectoire n'est pas si rectiligne, que le coefficient directeur prend des libertés, se modifie... On dit pour reprendre une expression mathématique que l'on commence "à dériver"... On fait plus de chemin, on peut même faire provisoirement demi-tour !? La droite devient une courbe et souvent à l'insu de son plein gré...
En continuant dans l'âge, on s'aperçoit que cette portée désirée vers l'infini et au-delà (bien sûr) est plutôt un retour à la case départ. Magnifique. Implacable. On aurait finalement réalisé une boucle pour pas-grand-chose de déplacement...
Et pourquoi être parti alors ?
Ce matin, à l'aube de la retraite (et à l'aube solaire) me voilà en train d'effectuer un trajet travail en vélo. Ma destination est le lycée Champollion à Lattes. 33 km de trajet. Donc 66, aller-retour. Un bon entraînement, non ? Faire du vélo en semaine permet de démonter les lulus le dimanche, n'importe qui vous le dira dans les clubs de "fond de puits".
Comment en suis-je arrivé là à enseigner la physique chimie dans un lycée public ? On dira que c'est un concours de circonstances dont je suis sorti premier. Ce n'est d'ailleurs pas du tout le sujet de ma démonstration ici. Continuons.
Quel est donc le parcours ? Céceles, Guzargues, Malrives, la ligne droite des Tourilles, le château de Castries puis récupération de Baillargues pour finir au bord de Mauguio via la canal du bas Rhône (BRL).
Au tout début de ma vie, au moment où on ne parle que de cette flèche à trajectoire rectiligne lancée loin là-bas, je prenais précisément souvent ce parcours surtout dans le secteur de Castries (1972-1976).
Je réalise donc qu'il y a plus de 50 ans, mon double sur un petit vélo bleu allait vers le Pic St Loup, cette porte sur la trajectoire magnifique des ailleurs.
J'avais déjà écrit sur ce souvenir d'un aller-retour vers cette montagne pedibus (Retour vers le Futur 5/01/19).
Je recommence donc ce qui a avait été commencé sans l'avoir bien intégré.
Début septembre (à l'heure de l'embauche rectorale) je me disais : " Bon pour aller là-bas à vélo, tu prendras direct vers la ville en choisissant bien les pistes cyclables "
Mais Montpellier n'est-il pas un enfer pour les voitures et pour les cyclistes ?
Oui, la route de Castries serait plus tranquille, plus sécurisante, plus campagne, plus ...retrouvailles de l'enfance et du passé.
Ne chipotons pas : c'est un retour à la case départ.
On dit bien que lorsqu'on est vieux, on retourne en enfance. Mais même physiquement !?
Cela veut dire ,que malgré mes efforts acharnés pour aller loin et ailleurs, je n'ai pas bougé d'un pouce... Rien n'a changé.
Ligne droite des Tourilles, école primaire toujours là avec ses platanes...
| La fameuse ligne droite encore rectiligne... |
| C'est pourtant en sens interdit !? |
Pour les gens du sud, les platanes sont les arbres de l'école. Ils semblent éternels, on ne les oublie pas. C'est très stable un platane, je le baptise, et il est temps, mon arbre préféré. L'aqueduc avec ses corneilles qui nichaient entre les pierres, la garrigue, les longues virées sous le soleil dans les bartasses environnants dont nous revenions "prêts à cuire", avec sur le corps (surtout les jambes) cette marinade de sang, de sueur et d'huiles essentielles.
| L'aqueduc, qui initie la direction de l'ouest, vers les terres inconnues... |
Nous étions aussi des pêcheurs, des chasseurs, nous faisions des expérimentations in vivo pour découvrir n'importe quoi.
| Le vairon, poisson d'or... |
| Avec Melquiades ou Lily, on expérimentait encore davantage... |
Cela me fait une drôle d'impression de finir ma carrière en revisitant ces routes que je voulais quitter à l'époque. Ce devait être des lieux provisoires des antichambres de préparation aux mondes plus grands et surtout pour les grands.
Il semble que je n'ai pas réussi mon départ. Suis-je d'ailleurs le seul ?
Ces tentatives de voyages avortés semblent être le commun des mortels. Nous ne serions que des pauvres bougres enchaînés qui loupent leur sortie, qui n'ont rien appris pour finir en beauté, donc se retrouvent floués et au même endroit sur l'axe de la vie.
A moins que ce ne soit qu'un leurre de penser que l'on s'évade un jour ou que l'infini est palpable, voir qu'il existe des temps meilleurs en des lieux toujours nouveaux.
De nombreux auteurs en littératures ont traité de ce sujet. Comment ne pas s'y retrouver en lisant leurs ouvrages ?
Bill Bryson - Motel Blues
"Je suis né à Des Moines ( Castries ?). Ce sont des choses qui arrivent. Quand on naît à Des Moines, ou bien on accepte la situation sans discuter... on se met en ménage avec une fille du coin nommée Bobbi (à définir), on se trouve du travail à l'usine... (prof?) et on vit là jusqu'à la fin des temps; ou bien on passe son adolescence à se plaindre qu'on n'a qu'une envie, en partir et puis on se met en ménage avec une fille du coin nommée Bobbi, on se trouve du travail à l'usine (prof?) et on vit là jusqu'à la fin des temps."
Gabriel Garcia Marquez - 100 ans de solitude
" A aucun moment de sa vie Aureliano n'avait été aussi lucide...car il savait à présent que dans les parchemins de Melquiades, était écrit son destin. Il les retrouva intacts parmi les plantes préhistoriques (platanes) et les mares fumantes (oued de la Cadoule) et les insectes lumineux (cigales)...qui avaient fait disparaître ...toute trace du passage des hommes sur cette terre... C'était l'histoire de la famille rédigée par Melquiades... avec cent ans d'anticipation (50 ans pour moi). Aureliano...découvrit l'instant de sa propre conception, entre les scorpions et les papillons jaunes...“
| Pas très loin d'ici, au début des temps extraordinaires, on transformait les vairons en brochets... |
