28 août 2024 – Bagnols sur Ascèze... (220 km)
La joie d'une architecture historique au milieu des casses auto... |
Que dire des destinations qualifiées de maudites ? Aucun cycliste dans le secteur de Montpellier ne prétendra qu'un jour, il est monté à Bagnols-sur-Cèze. Je vais le faire moi pour la rémission des péchés, même de ceux à venir, et pour les vôtres surtout.
C'est vrai que ce départ de nuit propose la joie, celle d'un soleil qui se lève vers le Ventoux au-delà de Quissac, mais c'est de courte durée.
L'arrêt au café de l'hôtel d'Uzès s'impose, c'est là qu'on y retrouve les personnages déchus de Modiano, dont j'ai souvent parlé dans mes textes... Ils sont là comme des santons, incapables d'expliquer quoi que ce soit, mâchoires bloquées par le mauvais rêve.
Pam, pam j'arrive... |
Ensuite, c'est une enfilade de bleds, toujours prise sans un regard lors de tous ces BRM sous délai. S'approcher de la vallée du Rhône par ici est une simple malédiction. Car, que faire ?, que vivre en ces lieux qui mène au mieux à des centrales nucléaires ?
On parle de secteur sinistré à climat méditerranéen altéré... Qu'est-ce donc que ce truc ? Les cigales chanteraient oui, mais... faussement, avant de crever et sans se reproduire.
Déjà on est pas loin de Chusclan et cela me remet en mémoire qu'Alain Jammes n'est plus là. Nous y faisions de belles randonnées et "en vitesse" (faut pas rigoler). Alain je te salue.
Ensuite, on arrive à Tresques, ce Macondo de bazar à Siporex. On aurait envie de rebaptiser le village par "Presque"..., la plus horrible des communes de France. Presque maudite... Le summum.
L'usine Siporex a fermé, elle a flingué quelques ouvriers dans un beau feu d'artifice et laissé place surtout à rien... Le Siporex, ce matériau choisi par mon père pour construire sa maison, a d'ailleurs modifié la vie de ma famille pendant des années... Ceci doit expliquer un peu cela. Je vois encore les cascades qui descendaient du plafond par temps humide. C'est grave quand tu n'as pas de toit solide dans ta jeunesse. Une maison de paille et qu'on prétend être de briques... Des malfaçons avec le traditionnel maçon espagnol ou Portugais non-solvable, sans décennale, etc...avec qui mon père d'ailleurs prenait souvent l'apéritif, moi, mal à l'aise, garé sur une chaise en double-file, attendant le départ. Syndrome de Stockholm. Une vieille histoire...
Je m'arrête d'ailleurs devant une maison "tresques abandonnée" avec sa piscine verte, sa haie coupée ras à la tronçonneuse, son tas de matériaux rouillés enchevêtrés... Je suis proche du melting-pot de la misère... Les refoulés de Marcoule vivent ici avec le risque nucléaire, les inondations, les sols argileux qui craquent sous les coups de la sécheresse, les vibrations sismique possibles non altérées. De vrais zombies.
Volets clos, cyprès chinois décapités, piscine tresques enterrée, ferraille... |
Chacun ici attend un "calendrier de l'avant" pour connaître la date du prochain décret de catastrophe naturelle qui expliquera même pas le "calendrier de l'après". Il n'y a jamais d'après lorsque l'homme est responsable. Il faut payer.
Y en a même qui sont morts empoisonnés un peu plus au nord. Une sale affaire... Une autre fois peut-être.
Je rentre dans la ville sans le savoir. La respiration en principe est possible au centre des choses au plus près des origines, mais ici, il n'y a pas vraiment pas de milieu, pas d'origine. Seulement un épicentre minuscule, celui d'une place prête à l'ultime séisme qui pourrait enfin tout nettoyer afin que ce ne soit même pas un mauvais rêve de destination surtout pour un cycliste.
J'y bois mon café en demandant pardon d'être là, et je dis surtout que je n'ai rien vu et que je vais partir, qu'on me laisse sortir de ce truc.
Les bâtiments anciens qu'ils aimeraient détruire pour y placer des tours... Restez calme, je m'en vais...Je suis là incognito. |
Il parait, pour quelques adeptes des mélanges improbables, qu'il y a des tours avec un intérêt culturel indéniable !!! Ce serait mesurable, face à un Aldi, après le Burger King au milieu des souks d'opportunités. Quelle culture !
On aurait bien dû les enfermer tous ces architectes yougoslaves de malheur qui recevaient des mallettes de fric au fond des vignes de Carignan abandonnée, pour imaginer des cités de naufrages.
Les wokistes proposent d'en faire des monuments historiques. C'est l'aire d'attraction de Bagnols-sur-Cèze comme il est indiqué sur les schémas de désorientation communaux. Et l'Aire de répulsion, tu connais ?
Allez, je file. Je ne mange pas de ce pain-là. Même la cascade du Sautadet ne ressemble à rien, elle n'a plus la force de supporter tout ça. Je rentre déçu, mais j'étais prévenu, une belle intuition palpable.
Pour finir, à la fontaine de Carnas, j'apprends le décès récent de Yannick Germain, cycliste bien connu des pelotons... C'est un peu beaucoup pour cette journée "café blog"... Bon, en tout cas, ça c'est fait, ça c'est dit.