"Frelons asiatiques versus gentilles abeilles des campagnes..." (BRM 200 – 05 mai 2024 – 240 km)
N'aie pas peur, c'est une espèce qui, a terme, disparaîtra aussi pour laisser place...à une autre ... Ainsi va la vie sur les asphaltes provisoires de la terre... |
Me voilà seul pour une belle et longue journée de vélo et j'entame quelques réflexions bien personnelles...
Seul pourquoi ? C'est simple. J'évolue entre deux Monde depuis plus de quarante années, incapable de choisir lequel pourra me convenir... Parfois chez l'un, parfois chez l'autre. Comme une boule de flipper, je rebondis. Mon temps de contact est très faible... La boule va retomber au centre inexorablement dans un bruit sourd, ce qui pourrait horrifier le spectateur des choses cyclistes, puisqu'elle disparaît du jeu. Disparaître quel beau projet plein d'incertitude qui sied à l'aventurier, le vrai. C'est un autre sujet.
Quels sont ces Mondes ? Par analogie avec un phénomène qui occupe les apiculteurs ce sera aussi celui des "gentils" d'un côté et celui des "méchants", de l'autre. Mais qui sont vraiment les méchants ? Qui sont les gentils ? Notions à définir.
Les frelons asiatiques (sauvages?) bariolés de bleu, qui agissent de façon organisée sur les routes seraient plutôt vilains et le mot est faible. Il ne faut pas les croiser. C'est une inquiétude. Très performants toujours, avec une vitesse élevée... 30 à l'heure c'est la norme, on peut les entendre arriver de loin. A cette cinétique le vrombissement des pneus (ailes) sur l'asphalte est identifiable. Cela en fait du bruit un peloton à ces vitesses (on ne parle pas de célérité car il n'y a déplacement que de matière) ! Solidaires, groupés, efficaces.
Non pas que l'un va abriter l'autre mais plutôt que l'autre va tout faire pour s'abriter à l'un (pour survivre). Capable de sacrifices collectifs étranges aussi. Si l'un est souffrant il est éjecté immédiatement du groupe et change de couleur ( capacité surprenante de l'espèce) pour rentrer penaud chez lui en attente d'une nouvelle recharge, en espoir de réincorporer l'essaim magique (on parle de petit essaim, de horde, de bande organisée).
J'ai croisé parfois des membres du club des insectes prédateurs sur le retour. Ils avaient perdu leur couleur bleu pastel pour un K-way noir, celui du deuil et de la défaillance. Alors à des vitesses quasi-nulles, en mode "avec échec", fragiles, voulant passer incognito (maillot dans la poche), ils redoutent la revanche inattendue d'un groupe d' abeilles solidaires, revanchardes, le camp d'en face et opposé.
Les abeilles aussi sont en sursis à cause de cette satané électricité. Espèce domestiquée, elle a adopté le VAE (l'assistance est le mot d'ordre dans un monde totalement socialisé). C'est vrai elle ne se déplace plus trop, on déplace les ruches vers elle. Espèce carnivore aussi. De sandwichs au salami fournis par l'apiculteur au ravito.
Dans les roues donc, chaque insecte (dit frelon bleu) est en survie (sursis), les yeux rivés sur deux boussoles. Celle du GPS et celle de le roue de devant. L’œil du frelon est très myope ( à ascendance aveugle), il ne regarde plus les paysages. Il sent par contre une abeille à 10 mètres, le cyclo de l'autre monde, et fond sur elle pour la détruire dans un vacarme caractéristique...
L'abeille victime, encore vivante (si on admet qu'elle a survécu par hasard) est alors déboussolée... et en met du temps à retrouver le chemin de la ruche. Cela peut la perdre aussi surtout si, chose étrange et risible, elle envisage de devenir frelon plus tard pour ne plus vivre ce genre d'intersection. Ce qui est impossible. Ce n'est qu'un rêve. Question de génétique. Il y a des règles dans la nature, les règles des faiblesse naturelles...
Sur ce BRM je pars donc seul. C'est un BRM à frelons pour frelons. L'abeille y est interdite car c'est un parcours difficile et puis on a jamais vu un frelon et une abeille partir en chasse ensemble pour détruire d'autres abeilles. La collaboration avec l’ennemi est une spécificité exclusivement humaine.
L'objectif est de passer sur une ruche à la Pierre Plantée et de faire le maximum de dégâts... Moi, étant une espèce hybride non adaptée au deux Mondes, je ne vais pas participer à ce carnage, comme je ne vais pas non plus, je vous rassure, faire "ami-ami" avec les gentils à tréteaux au milieu des miellats sirupeux.
Je suis sauvage indigène au sens de libre comme un frelon typé Gengis Khan (conquête de grands espaces !) et surtout pas domestiqué au sens des gentils apiculteurs qui t'abritent et te protègent des frelons mais si tu bosses seulement... Intéressé l'apiculteur.
Précisons maintenant l'ancien Monde, celui des abeilles, celui de la domestication par les communauté humaines en vue de te faire perdre ta génétique sauvage, les gentils cyclotouristes fédérés qui "ont Vélocio avec eux et en eux pour les siècles des siècles...". C'est à dire un Dieu, une religion des dogmes et tatata... Tout est bien organisé.
Ils prônent quoi ? La lenteur, les habits délavés, les sacoches, le cuir, les grosses culottes, la "bonne bouffe". Ils "partagent" (vocabulaire d'apiculteur) même avec les abeilles handicapées qui désormais ont un déambulateur électrique . Ils sont magnifiques de suffisance, dirigés par des Frollos (abeilles alphas de cathédrales), anciens cadres en retraite aux tempes blanches qui connaissent bien du monde, dans leur Monde... La plus grande ruche est visible et visitable à Pâques en Provence. J'en ai déjà parlé dans ce blog. Consultez le pour plus de détails.
Sur le plateau après St Paul et Valmalle, voilà les frelons qui me passent... Oh vous savez, ils me laissent tranquille car je suis une espèce non comestible, un hybride européo-asiatique ou (pire ?) européo-américain. Et ma stratégie gagnante c'est que je suis camouflé en bleu comme eux... Ils voudraient (de façon récurrente) m'attaquer mais leur radar n’identifie pas vraiment un ennemi. "Un drôle d'insecte" simplement. Ils sentent une supercherie mais sont dépassés par ce camouflage (et le reste) et déjà trop loin pour ceux qui ont compris. Il y en a (peu) qui comprennent. Ceux là, je les aime.
L'objectif visé c'est une ruche au dessus de Lamalou. Oh, je croise bien quelques abeilles imprudentes et isolées (MUC) après Villeneuvette avec des couleurs bariolées. Mon apparence de frelon les inquiètent mais je les ai déjà croisé auparavant avec un drapeau blanc, ils savent que je ne suis pas de ces combats des deux Mondes opposés. Ils savent aussi surtout que je ne suis pas des leurs. Mon cerveau résiste à l'effacement préalable et au formatage.
A Lamalou, quelques gros insectes à miel me reconnaissent. Toujours avec méfiance, ne suis-je pas imprévisible capable du meilleur comme du pire depuis toutes ces années au milieu des champs et des collines , des asphaltes qui embaument... ? Il ne faut pas que je traîne trop au milieu des cadres de la ruche.
Certain se rappelle peut-être de la vraie couleur d'une abeille. C'était celle du CTM. Orange. Je l'ai porté. Oh pas longtemps. J'ai compris très vite que ce Monde m'étais mentalement interdit, incompréhensible, sans honneur, sans panache (comme dirait mon artiste du cours Simon).
C'est une posture de vie. Il faut opter...Faut-il choisir une espèce pour vivre ? La question est là.
Le club des indigos est passé depuis longtemps devant le théâtre du village. S'est-il arrêté ? Que serait-il venu faire ici au milieu des discours et des rencontres mielleuses ? Un carnage ?. La nouvelle astuce des frelons c'est de faire croire qu'ils aiment les abeilles et vont leur faire juste "coucou". Ils prennent presque rendez vous. C'est nouveau dans l'adaptation. J'imagine l'effroi de la reine des abeilles qui va recevoir le chef des frelons un jour de foire au miel...
Le silence des condamnés s'est-il installé quand la quinzaine d'insectes bleutés, a investie la ruche ? Ont-ils demandé pardon ? Négocié pour leur vie ? Un roi ou une reine est-il allé parlementer avec le chef des frelons pour une trêve? La chef des Frollos (dit "la reine") a-t-elle payé une rançon pour avoir la vie sauve en ce dimanche inquiétant ? Une médaille à distribuer en fin d'année au chef des frelons est-il un tribut suffisant ? Ne parle t-on pas de racket ? Bon, pour être clair quand même, une abeille si elle le peut te fera (en bande encore plus organisée) pas de cadeau non plus. Si elle le peut. Je ne porte pas de jugement sur l'un ou l'autre.
Je suis très mal à l'aise à ce col (de la Pierre Plantée) où tout s'est arrêté (Plantés là ?) et où je reconnais les abeilles de sortie de messe qui distribuent leur sourires de compassion, parlant de l'handicap des autres à tour de bras, vociférant encore sur la malédiction de cette petite nuée bleue qui est venu les déranger il y a quelques dizaines de minutes...
Je pourrais rester ici et m'abandonner... Mais non je ne vais pas me trahir donc je continue...C'est pourtant dangereux de partir ! D'après les abeilles, il y a la solitude (interdite aux mondes des bien-pensants) et le kilométrage (224 km), le dénivelé, le vent... 30 bornes avec un Président à gros bidon de couleur orange nuance carotte mandarine virant sur la citrouille, serait quand même moins douloureux... Pourquoi s'infliger cette flagellation ?
J'aime l'isolement de l'Espinouse, la désolation de Peras avec ce café que les frelons à une l'époque avait amnistié, ignorant le contrôle d'une vieille dame, Delphine... Elle avait survécu uniquement sur une décision instantané du chef qui avait ciblé une ruche plus intéressante plus loin.
Le vent désormais est de face... Il est mien. Le vent parle toujours même si dans le jargon des insectes on dit qu'il rend moins efficace le transport. Les abeilles par exemple ne sortent pas au dessus de force 1 sur l'échelle de Beaufort. Un frelon peut envisager force 3 sur l'échelle de beau et fort.
Assas semble déjà endormi lorsque je parviens au lieu dit du rendez vous supposé. Supposé seulement. Une astuce asiatique ? Un rendez vous à la Pagnol sur un banc près des tennis ? Sauf que Delphine n'est pas là. Si Delphine n'est pas là mais alors c'est quoi toute cette histoire ?
Encore quelques kilomètres pour rentrer à la maison. Cela était une belle occasion aujourd'hui de croiser les deux Mondes. Et de mesurer surtout leur religions respectives, organisées comme chacun le sais , par l'ange révolté...