"Les neiges dans temps... " ( 28 mars 2024 - 210 km )

 

De la fenêtre de la 404 je regardais s’enchaîner les virages 
comme sur un manège...


Partir en milieu de matinée pour une longue journée de vélo semble l'erreur du débutant surtout à ne pas faire. Pour réussir il faudrait commencer tôt. La vie n'appartient-elle pas à ceux qui se lèvent aux aurores ? On nous l'a appris et ne jouons pas les étonnés.Ce sont les premiers sur le terrain qui gagnent. Toujours. Ils ont l'initiative et ont plus de temps disponible. C'est sans parler des courageux de 3 h du matin très appréciés du temps du premier Empire. Selon certains biographes, les gens exceptionnels auraient commencé la veille, ce serait une méthode plus sûr ?

Pas si simple.

Dans le timing des réalisations mesurables et appréciées, il est important de maîtriser le temps sur son axe. Après tout les horaires, les dates et autres butoirs ne sont que des créations humaines pour te mettre un peu la pression au milieu d'un néant. Les expressions "il est trop tard" ou "trop tôt" ne sont que relatives. Qui connait vraiment le bon moment ? On a vu des réussites en décalé et de vieilles personnes réaliser un rêve alors qu'on avait dit de façon définitive et péremptoire : " c'est foutu"....


Lorsque tu enfourche ton vélo après 9h tout semble perdu.

Je vais prouver le contraire.

Comment ?

C'est simple. Il suffit de décider que ta journée est décalée vers la nuit, que la fin du périple sera en nocturne. Un vol de nuit. Un délice. Lorsque l'éclairage fixe est installé, il n'y a plus de limite à la nuit...


Une deuxième chose nécessaire et liée : ne rendre de compte à personne, ne pas être attendu. Le summum c'est de partir incognito. Je pratique. Un bonus. Car la limite des explications et autres justification est pire que le repère éventuellement normé sur un axe du temps qui te demande d'être "à l'heure...." Mais l'heure de quoi et de qui ? Pour qui ? Et pourquoi ?


Souvenons nous de cette fameuse limite normée de midi bien connue des cyclistes, "l'heure de l'allumage des barbecues", stress total à assumer vis à vis des familles. Quel désolation affligeante qui oblige à la gestion donc à se lever tôt pour être dans les clous et officier ensuite sur chipolatas.


En partant vers 10 h au mois de mars on peut faire 210 bornes dans la journée avec arrêts photos bistrot, contemplations sans sacrifier le dénivelé. Si,si. Je le prouve.


Le thème choisi sera la neige pour fêter cette grasse matinée. Plutôt la montée vers la neige. La descente vers la neige serait un peu contre nature à part dans le golfe persique.


Voir la neige au moins une fois par an est nécessaire pour son équilibre mental dans les régions dites tempérées, saisonnalisées. Mes parents le faisait. Mes grands parents aussi. En avait-il la nécessité par un acte inconscient, réflexe ? Je ne sais pas. Il faut quelques instants de froid pour vivre et s'épanouir. C'est la vernalisation humaine bien connu du monde agricole qui l'exploite pour les bestioles et autres plantes (pour le moment).


Les agriculteurs ne sont pas trop écoutés de nos jours, espèce en cours de génocide. Va expliquer que le froid est une nécessité en réchauffement climatique et qu'un végétal sans froid annuel va disparaître de la terre.

Mes parents donc remplissait la Peugeot 404 avec la marmaille insolente derrière placée en paquet de 5 et sans ceintures (nationales prises à 130 km/h!).


Voir et toucher la neige. C'est fantastique. Paradoxalement c'est un peu comme se chauffer devant un feu. Je vois un vieux film en 8 mm où nous faisons des bonhommes de neige, les couleurs ont jaunis, passées.

Il y a une descente relative des températures couplée à une montée bien réelle vers l'altitude.

L'Aigoual est (encore) l'endroit pour ce type de chose. Ce fameux Aigoual refuge d'antan dont j'ai déjà parlé.



La route serait très directe (Cardonille, Ganges etc) mais comme moi j'ai le temps (et plus la montre) désormais et que j'en fais ce que je veux, je vais un peu louvoyer pour éviter le trafic.




La première balise recensée est la matière première des flocons : l'eau.

A St Julien de la Nef il y a une cascade à coté du restaurant. Elle tombe du ciel. Impressionnante. Sur la route du Vigan tu ne peux pas la rater. Il n'y a pas de "détour à cascade" mais la cascade en directe live. Elle est identique à il y a 50 année. Je m'y attarde un peu en posant le vélo sur le pont dans ce cold-case revisité. Elle ne coule plus toute l'année comme autrefois. Mais ai-je rêvé d'une cascade éternelle ?


Je parviens tard à Valleraugue (?) mais il est encore possible de se ravitailler. Cette manie que j'ai de n'avoir rien sur moi pour faire vivre le petit commerce. Le contraire des sacochards du club (de la Sama) qui portaient des cassoulets en boite (je ne les ai que très peu fréquenté). Je pourrais moi aussi être complètement autonome mais je laisse une empreinte financière à ceux-là même qui eux, pour le coup, se lèvent tôt et alimentent ceux qui se lèvent tard...


Allons donc chercher maintenant le faux-plat de la montée par Valleraugue (un peu plus de 25 bornes). Le vent est de face mais par où passe-t-il ? Il y a un mur devant. Le mur des sources de l'Hérault.

Il sera de face au retour. Ce sont des micro- dépressions qui font les vents aujourd'hui. C'est dingue.


De la fenêtre de la 404 je regardais s’enchaîner les virages comme sur un manège. Mes frères jouaient-ils aux billes sur la banquette alors que j'avais la face écrasée sur la vitre froide ? J'ai progressé aujourd'hui la fenêtre est ouverte, c'est celle du Cannondale. Et j'exploite une fenêtre aussi.

Vers 1200 m voilà les premiers petits blocs au bord des ruisseaux. Une voiture qui aurait laissé choir de son toit ? Petit à petit cela devient régulier... La récolte devient plus intéressante. Les blocs se rejoignent, une continuité de blancheur prend place. Il n'y a plus de hasard.


La route est sèche, quelques petits ruisseaux de fonte... Il va falloir passer par la station de ski pour parvenir aux deux tours, la route sud étant fermée. Plus de vent mais du soleil. Le bonheur. Il doit être 15h. 97 km au compteur. Je suis au sommet.

Je m'attarde. Mes rêves de Canada et de Sibérie persistent encore dans ma tête et font comme un shoot d'endorphines.


Le reste n'est que descente, c'est bien connu.

A Ganges je m'octroie un goûter type diagonale. Le gros goûter avant la nuit. Je vais éviter le trafic et glisser sur la voie verte d'une approche délicieuse. Flap 1. A l'approche d'un tunnel je vois toutes ces petites lumières vertes alignées qui guident mon avion. Es-tu fier de moi Papa Lima tango Charly ? Je prolonge tes trajectoires du ciel. Après tout sur terre tu te déplaçais comme un goéland aux ailes coupées. Il te fallait de la vitesse pour la portance d'un éventuel décollage et tu aimais la nuit. Comme moi. La nuit tout est plus vrai.

Tout semble aligné pour un atterrissage en douceur...



Presque 30 bornes jusqu'à Quissac d'où va commencer un "petit vol de nuit" au milieu des villages. Flap2. Brouzet, Vacquières est illuminé, calme. Je guette un peu les sangliers. Flap3 sur le petit chemin de la Roque.

Quelle belle journée soit disant mal commencée. Elle rejoint un peu dans l'esprit celle des nuits de Maillane "hors du temps". Les journée "plus belles que vos jours" qui commencent le soir à l'arrivée de la nuit.

20h40 sous la douche.  

Même le vélo a besoin de froid pour réaliser une belle saison fructifère...


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