" La vision de Jean-Louis Trintignant " ( 29 juin 2022 – 228 Km)
Merci Jean Louis de ton analyse posthume... C'est une autre façon d'aborder le vélo et la vie aujourd'hui qui m'attend... Crédit : telerama.fr |
L'objectif d'aujourd'hui est simple , décoder un des verrous d'entrée de la cité des papes, Avignon.
Ce n'est pas évident. L'écusson papal semble un peu imprenable et ce n'est pas la Via Rhôna, création unidirectionnelle pour les soumis d'une Europe rectiligne, qui va y changer quelque chose.
Il fait chaud. Ne parlons plus de réchauffement, mais quand tu gères un objectif sur la journée la relative fraîcheur du matin, couplée à un enthousiasme, l'emportent toujours. Il faut noyer le moment faible caniculaire dans un global plus fort.
Un peu moins de 7h (donc tard), je fais direct Sommières puis, à l'issue des faux plats redoutés de Montpezat, répare une crevaison lente peu avant St Mamert. Déjà 9 minutes de perdues... Une éternité!? J'ai encore en mémoire le "désastre de Bédarrides" orchestré par le geek du BRM 400 ce qui fait que je ne l'ai pas trop mal vécu et me suis trouvé performant. Neuf minutes d'un travail propre et efficace. L'occasion de louer les chambres à air et les gros pneus d'autrefois ( et de maudire les tubless et toutes ces technologies dites de faiblesse).
La Calmette, Dions c'est la tangente efficace quand tu te translates au nord de Nîmes l’inaccessible, sur laquelle j'ai déjà écrit quelques lignes. Tu rejoins un peu un îlot de fraîcheur symbolisé par un Gardon au pied de la "mesa" du camp militaire des Garrigues. Un endroit aride et stérile ravagé par les flammes très récemment.
En fait de Gardon, il n'y en a plus, tout est à sec. Il est caché sous les cailloux. Il y a une éternité qu'il n'a pas plu, à part quelques grêlons dévastateurs sur les vignobles du Gard.
Je fais quand même le détour par le Pont St Nicolas qui me fascine depuis toujours. Certainement cet aspect Médiéval, cette ombre relative et puis cette mer de galets qui en l'espace de quelques minutes peut se transformer en lac, si nature le veut et propose une vague (crue)...
J'y ai des souvenirs aussi de retour de clubs, mais pas très nombreux. La bosse, en ce cas, y est montée "à bloc" sans la moindre raison, de façon totalement irrationnelle.
Pont St Nicolas - Crédit BL |
Sanilhac je fais fonctionner le commerce local. Le petit café du matin. Le plaisir du cycliste. Total. Un plaisir ailleurs et dans un endroit accueillant. Cet arrêt est fondamental.
La route qui suit me mène à Collias. Jean Louis Trintignat qui vient juste de nous quitter y a passé les derniers instants de sa vie. Je stoppe à l'entrée du canyon et y fais une photo pour lui rendre un peu hommage. En fait toute cette journée lui est un peu consacré et je là lui dédie.
Ne vais je pas virer à un endroit qu'il a très bien connu, le repère des intermittents du spectacle, des artistes et surtout des fauchés..?
Crédit : BL |
Jean Louis semble d'ailleurs me parler en ces temps d'introspection sur le vélo que vous pouvez analyser comme moments psychanalytiques si vous voulez. Ne cherchez pas trop dans mes textes, les joules, les watts, le matos et autres braquets, entre deux arrêt pipi. N'y cherchez pas non plus les moments extatiques devant une cascade...
Écoutons plutôt Jean Louis :
" Bernard tu es toi aussi un intermittent du spectacle, et il faut l'accepter.
Toi qui les a critiqué un peu négativement, analyses bien ta vie !
Tu as rebondi d'activités en activités sans la moindre évolution de carrière, refusant toujours les injonctions des décideurs gestionnaires, n'écoutant que les artistes, les émotions, les aventuriers, écartant les conspirateurs et autres arrivistes...
Tu as toujours fait du vélo, du sport, et c'est un peu ta carrière... Cherchant le beau, les thèmes, les vérités légendaires, les parcours, les silences, la nature...
Tu as changé de métier et d'entreprises souvent, et ce n'est donc pas une carrière. Tu t'es adapté aux contraintes pour survivre. Tu n'as pas fait beaucoup de concessions simplement pour ne pas amoindrir ta personne...
Tu as eu une vraie vie d'intermittent. Une vie d'impatience organique.
D'ailleurs si on te demande aujourd'hui ce que tu as fait dans ta vie, tu est incapable de répondre. Tu ne sais même pas le définir.Ton parcours ne peut s'écrire, c'est pourquoi ton CV est toujours faux, incomplet, incohérent et jamais lu.
Intermittent, Multitâches et plus si affinité. C'est ça un intermittent. Même tes salaires aléatoires à la limite du seuil de pauvretés pourraient être assimilés à la course aux cachets des artistes. Le pire dans tout ça, je le sais, c'est que personne ne le sait.
Tu dois désormais revendiquer ton statut. Sinon tout le monde croira jusqu'à ta mort que tu as côtoyé l'argent et les puissants. Et moi, je ne peux pas leur expliquer aujourd'hui, je ne suis plus de ce monde ... Mais je regarderai toujours tes petits spectacles... Je suis avec toi. Vas y roules, brûles les planches !"
Voilà les pensées qui me viennent alors que le trafic routier forcit avant de récupérer Fournes. La faute à la proximité de l'échangeur autoroutier. Pas grand chose à voir et à faire semble t-il sur les flancs de cette collines qui mène à Aramon. On lui préférera la Montagnette en face derrière le Rhône.
Aramon, Sanofi. Moi qui ai joué le rôle du Chimiste dans les années 80, je me surprend d'avoir un regret d'une carrière, jamais commencée, dans cette entreprise !? Mais les paroles de Jean Louis m'apaisent...
Mais c'est que d'autres pièces m'attendaient. Il fallait jouer sur d'autres planches moins prévisibles des actes plus incroyables. Beaucoup de pièces non choisies aussi. Pour survivre. Galabru vous l'expliquerait aussi. Je salut Michel ! Et je salue aussi Joseph, l'acteur central oublié de la Chrétienté !!!
La via Rhona, c'est une arnaque et quel que soit le vélo. Celle qui fut conçue pour les caterpillars et autres gravels n'a strictement aucun intérêt. Bon, par respect et désir de comprendre, je fais quelques kms sur la cendrée mais le paysage me "coufle" déjà. Je n'aura décidément jamais une vie directionnelle sans sorties latérales. D'ailleurs j'ai du mal à en sortir de ce linéaire pour européanistes soumis qui "n'ont rien à se reprocher" et abandonnent sans contrepartie l'asphalte aux voitures. Ils ont crée un fossé de séparation. Les mecanicus, maîtres du monde.
Voilà l'entrée de la ville.
Avignon ,c'est simple, tu passes le pont et pas celui d'Avignon, vous savez celui qui mène à rien (et fascine donc l'humanité!), et c'est direct dans l'écusson. Je découpe géographiquement la ville en trois parties. Il y a l'écusson, le tour de l'écusson, et une zone commerciale.
L'écusson, j'y suis, c'est un mélange de touristes avec un pouvoir d'achat (à définir), et de belles architectures anciennes avec le fameux palais.
Pour montrer leur ouverture à des gens comme moi, c'est à dire un intermittent du vélo et du reste, l'équivalent des papes modernes ont décrétés que la ville appartenait aux saltimbanques en juillet avec le fameux festival d'Avignon que connaissait bien Jean Louis.
Ensuite, le reste de l'année, c'est pole emploi. Normal. Les cigales. Pole emploi, un employeur comme un autre ? Ça me parle tout ça.
L'extérieur surtout au sud, c'est le tiers monde des cités, l'architecture des barres et des trafics en tous genres. Rien à voir. Le mondes des "épiciers" à la recherche du prochain larcin pardonné.
Et pour finir tout ça, vers le Pontet, il y la méga zone commerciale pour acheter, acheter toujours plus avec un petit Mac Do pour quand le coffre est plein. Que l'Amérique triomphe in fine. Voilà la trilogie d'Avignon. Le découpage est pas compliqué.
Ne pensez pas que l’Écusson soit qualitatif vraiment. J'ai passé une demi heure sur un banc, le centre est totalement colonisé, les épiciers tiennent les restos. Cela évolue vers les tacos et Burger américains devant le Palais. Une croisade à l'envers.
Les papes se retournent dans leurs tombes...
Crédit BL |
Allez, c'est ma ville. Jean Louis me l'a dit ce matin dans l'Uzège. Je le crois. Il faut accepter sa condition, le ce pourquoi on est né.
Je vais d'ailleurs, de ce tour de roue, aller regarder ces quelques théâtres aux affiches multiples. Peut-être suis je programmé sur l'une d'entre elles. " Bernard et le petit vélo ", " les dialogues d'un cycliste " " diagonales perdues..." " monologue d'un œnologue"..." monologues mathématiques..." Entrée gratuite !?
Une pensée aussi pour ces bus de nuit le long des remparts qui me menait au plateau d'Albion et au Ventoux pour mon service militaire. A mettre sur le compte de mon amour pour le Ventoux qui comme pour le chocolat ne s'est jamais démenti.
Mon vélo garé devant mon entreprise... Crédit BL |
Quand on arrive à Pouzilhac, on sait qu'on a gagné. On rentre, on glisse. Les platanes de Montaigu nous abritent du soleil. Ces lignes droites où la route est encore au gabarit médiéval, t'amènent rapidement au tours du Duché, elles t'accompagnent.
Vers Uzès, ça glisse et à l'ombre, c'est remarquable... Crédit : BL |
Bourdic l'entreprise (pétroChimie ?), Moussac... Il y a quelques jours je passais par là avec Lometti et Delafosse. C'est une route de retour, comme si on rentrait à la maison.
Mais où est ma maison ?
Jean Louis Trintignant vous dirait que je n'en ai pas. Que mon statut d'intermittent me l'interdit tout simplement.
Et qu'il est temps de l'accepter.
"Tu fais partie de la famille Bernard... Sois fier de ce choix que personne ne t'impose. Clochard Céleste également. Je t'accompagne sur les routes..." Crédit : voici.fr |