" En toute chose il faut considérer la fin..." ( Tour du Mt Ventoux - 150 Km - 26 mai 2021)
5h5O, je suis encore en infraction. Quelle époque ! J'assume. Et puis 10 minutes...
Il faut devancer les événements, être devant. La carte de route des cinglés est dans le sac, pas question de subir, ni de "à quoi bon"... Ce sera militaire, je vais prendre Vienne...
J'arrive rapidement à Malaucène. Quand on est un tant soit peu du matin, traverser Nîmes, Avignon, ça glisse... Les cafés sont à nouveau accessibles, vite la génuflexion, avant la grande prière. Quelques travaux vite négociés devant la boulangerie de la ligne de départ, et c'est l'interlude du Grozeau.
Je me sens déjà pas si mal, c'est le bon jour. Enfin. Il s'agit là ici et maintenant de progresser en pensant à la deuxième ascension par Bédoin, stratégie de récidiviste. L'effort premier est comme annulé, il est préparatoire, il ne fait pas partie de l'épreuve. Les cinglés commencent à la deuxième ascension, il n'y a pas à s'employer, comme il n'y a pas à se freiner puisque c'est hors course et ne compte pas. L'apéro. La souffrance, à définir certes chez moi, est comme annulée. C'est une hypnose, une anesthésie mentale volontaire. Mon cerveau est devant et alors que je progresse vers Ramayette, mon avatar est dans les rampes de Bédoin et passe le carrefour de l'historique forestière... En fait le cinglé ne mérite son titre que sur la deuxième élévation, la troisième, par Sault étant un retour à l'écurie avec beaucoup moins de dénivelé.
Quelques camions me passent. Ils sont "en prise", ils m'aspergent d'une intensité olfactive qui évolue sur la complexité des enrobés bien chauds. Je le sais ils travaillent là haut à mieux canaliser cette innombrable foule des cigales, hystérique, cycliste et motorisée, qui va bientôt prendre d'assaut la tour. Mais je néglige ce fait et avance dans un état d'hypnose.
Passage des citernes, je négocie les rampes bien droites, la cinétique a bien évoluée depuis mon dernier passage certes avec les tongues de plage... Je me sens léger, rien ne va pouvoir arrêter tout ça, on va me flasher 3 fois et je ferai le bras d'honneur du récidiviste.
Mt Serein le replat de quelques mètres ma forme est certaine, je la mesure, je change de plateau et ignore le refuge café.
Accélération puis pied à terre.
Deux cycliste engueulent le gilet jaune de la DDE qui les bras écartés semble défier la route. Personne ne passera. Il en fait une affaire personnelle. Il est en mission et pourrait mourir pour l'institution qui lui signe ses papiers de migrant... C'est touchant.
Comme un Strauss Kahn dans un autre contexte, je suis soulagé. Enfin, on m'arrête, enfin tout cela va finir, tous ces inutiles enchaînements, terminé surtout ce lien qui me lie très indirectement à l'histoire de Christian Pic. Je sais que plus jamais je ne gravirai ce Ventoux dans le cadre des cinglés. C'est une évidence. Rien à voir avec mon physique vous le savez, mon mental non plus, j'en ai encore sous la pédale. Non, je veux tout simplement ne plus penser à çà, ne plus prolonger ces choses suite à cette trahison de la World Company Pic et Cie...
Christian Pic le créateur de cette organisation des cinglés, qui après mes 11 récidives me réclamait 20 euros par bout de carton pour continuer dans la famille. Moi qui avait été à la création en 1988 et qui avait fait de la publicité pour sa petite affaire avec mes textes publiés, il s'adressait soudain à moi comme à un inconnu. Il venait certainement de passer chez son banquier et, croisant Judas, mis en place la machinerie capitalistique. Le Ventoux étant gratuit, je lui ai proposé de garder ses bouts de cartons à 20 centimes. J'avais écrit à Florence, sa comparse dite Bonnie, experte en bronzage et comptabilité gestion pour expliquer que ce n'était pas bien ce qu'ils faisaient même si, je ne l'ai pas nié, existait un marché essentiellement septentrional hyper lucratif en développement à plusieurs chiffres. Aucune réponse bien sûr.
Et puis il y avait cette dernière carte vierge conservée ( 10 centimes d'euros vendus 200 fois son prix). Je l'avais gardé comme une relique.
C'était un erreur car elle m'appelait régulièrement comme un sort jeté par Pic sur moi. Il fallait en finir en off avec tout ça, même si à priori j'étais là incognito. Je suis retourné plusieurs fois sur les pentes, carte en main, et l'échec était toujours au bout. Incapable d'interpréter les signes pourtant clairs nets et précis, je repartais pour rentrer ensuite bredouille avec au maximum deux ascensions. Et ce n'était pas si grave.
Mais si ça l'était. J'étais sous emprise.
J'étais sous influence encore alors qu'une séparation doit toujours être franche , actée, inexorable, violente. Le braquage organisé sur le dos de ces géants Hollandais complètement "demeurés" à gros mollets blancs et gras accompagnés de minibus, hurlant plus qu'un Maure au milieu d'une cité, qui écrivent et chient leur noms en peinture sur le bitume pour s'encourager ici où là jusqu'à l'Alpes d'Huez, était indécent.
Oui ce gilet
jaune, ce Sarrazin de rencontre ce matin, je l'ai aimé. Il m'a libéré. Libéré
de mes chaines."Mais où tu vas ? C'est fini! , tu comprends c'est fini!, tu ne passeras pas!, tu ne passeras plus...!!!"
"En toutes choses il faut considérer la fin..."
"En toute chose il faut considérer la fin et surtout la date de fin..."
Le 04 mai 2013 sur une musique "Sugar baby Love", je devais quitter l'histoire Christian Pic.
Et pauvre de moi j'ai encore continué 8 longues années à bricoler, à m'accrocher, à attendre... Mais qui ?, Mais quoi ? A tournicoter autour d'une probable réconciliation. Faiblesse humaine.
2021 l'histoire est acceptée. Enterrée. Enfin." Que vive le Ventoux et Vive le Ventoux libre"...