Clochard Céleste..? ( Virée Clio-Opus 14-Du 23 au 25 février 2021-343 km)

 1) Clochard céleste

Le bonheur du clochard, depuis la Nuit des Temps...

Papa Lima tango Charly n'a jamais bien compris pourquoi je pédalais sur une bicyclette. Je ne l'ai pas attendu et comme dirait l'autre, " dès l'âge de 12 ans, monté sur le vélo, il ne m'ont jamais revu".

La bicyclette ne l'intéressait pas. Mais alors pas du tout. Il aurait zappé une étape de montagne du tour de France et sa grande dramaturgie pour regarder à la place un dessin animé type Bugs bunny ou un reportage animalier ou les écureuils se mettent sur la gueule pour deux noisettes... Il aurait ri tout seul entre deux plongées comateuses sur le canapé alors que les cigales de juillet s'en donnent dehors  à "coeur joie", se réveillant parfois en souriant, regardant si on ne l'avait pas surpris.

Bernard Gay (initial GB et pas BG c'est un autre), grand cycliste (notion à définir) énigmatique du secteur de Montpellier (avec une roue à Marseille), qui est passé aussi comme une comète, sans grand bruit ,au milieu de ma carrière, me racontait la même chose de "son vieux". Un incompétence et un inintérêt notables pour les choses de la bécane,  alors que son fils faisait quelque prodiges remarquables pour le commun des mortels, pour la moyenne des lambdas. D'interminables brevets kilométriques (quand bien même Audax) et des Diagonales.

Jamais un mot alors que le fiston posait sur la table, dans une vacarme de vainqueur, un Paris Brest Paris bien lourd et rutilant. La grand épreuve Olympique et historique de la longue distance n'avait ni valeur ni signification à ses yeux. Il ne cherchait même pas à savoir de quoi il en ressortait. Comment un effet si grand serait-il enfanté par une cause si petite ? Il n'y aurait pas d'hérédité sur la transmission ou la reconnaissance d'un art majeur qu'est celui de pédaler ? Comment Merckx a t-il pu être engendré par un corps sans jambes ?

Oui Papa Lima était comme GB père, comme ces personnes, ces paysans (que pourtant il  détestait) qui ne font jamais de sport. C'est vrai qu'un paysan, en pratique,  ne fait pas d'effort inutile. Un cycliste est donc pour lui un sportif "au sens de Coluche", que l'on peut railler car il utilise à mauvais escient son énergie et qu'il n'est pas rentable dans un paysage à optimiser pour survivre. Le vélo est un sport d'esclaves ouvriers ou d'esclaves  cadres (qui continuent d'ailleurs  à les diriger même sur le bitume). Aucun paysan et encore moins un pilote d'avion et autres conducteur de bagnole, disciple d'une Amérique infiniment bitumée, ne s'abaisserait à pédaler. Peut-être un problème d'équilibre.

Papa Lima me traitait de Clochard. Il me racontait souvent une histoire. C'était peut-être avant la guerre,  l'histoire d'un gars qui partait en vélo et semblait sans destination. C'était un Clochard... Et ça le faisait rire, c'était une vision de dessin animé pour lui...Je ne sais pas si c'est le gars qui le faisait rire, le vélo ou les deux. Ou moi tout simplement venant le visiter sur un drôle d'engin un "Gitane rafistolé"... C'est vrai qu'aux USA, patrie qui l'avait adopté du temps du plan Marshall ( le même schéma que Labro), il n'y avait pas le moindre vélo... Quand bien même aujourd'hui, on ne trouve pas un seul vélo aux USA. Au pire, les plus pauvres ont le bus. Greyhound, est la marque des déplacement pour les esclaves ( et autre migrants) qui seraient bien plus à l'aise et heureux sur une bicyclette, dans leurs errances inutiles au middle de la terre promise... D'ailleurs Papa Lima non plus ne  prenait jamais  le bus. Il avait réussi, cette attitude c'était sa Rolex.  Pas de bus, alors encore moins le vélo. Marcher ? Ce n'est pas conseillé.

 Peut-être s'y est il résolu quand même au purgatoire, sur l'ile de Madère...

Dès que je m'en vais dormir sous les étoiles, à l'occasion de virées cyclistes ou pédestres, je pense parfois à Papa Lima et me demande s'il penses vraiment, là où il est, que je suis un cycliste clochard.

S'il le croit toujours cela ne me dérange pas plus que cela. Croyez le.

 Oui effectivement je suis un clochard, j'en ai un peu l'esprit mais plutôt un clochard céleste au sens de Kerouac. Avec un peu de poésie et des routes longues, interminables et... presque belles...



Me voilà, au départ de ma carrière... "Ils ne m'ont jamais revu..." Merci au cascadeur pour le doublage (l'oeildelaphotographie.com) 


2) Sortie de Gethsémanie, sans avoir fauté...

Après le "Temps des Loups", le soleil sur le Mt Ventoux...


Le meilleur moment au bivouac, c'est le petit matin. Tout est accompli. Les fatigues disparues. Disparues la lassitude du bornage  et de l'étape, disparue cette fièvre mobilisante de la recherche du meilleur lieu, ce désir d'être performant pour échapper aux hommes, à la lune, aux chiens... Tout peut donc recommencer dirait Barjavel, le petit vélo et mes 12 ans vont pouvoir disparaître, là-bas sur un recommencement. Il y a le silence et l'attente du soleil.

On a contemplé trop longtemps les couchers de soleil dans des ambiances de Babylone prêts à affronter la nuit en groupes, en meutes, en pelotons, les nuits dangereuses que l'on transforme en fête de façon très artificielle, à la limite de l'indécence, personne n'étant dupe, tout le monde sortant déçu.

Moi, je n'ai jamais eu peur de la nuit et, pour la magnifier presque,  j'ai trouvé toujours un plaisir étonnant à m'y enfoncer. Je reconnais que l'humanité en a une sainte horreur comme la volaille dans un poulailler priant, tremblante, postée au plafond de la cabane, que les clôtures tiendront quand viendront les prédateurs. Aimer le nuit, la maîtriser,  ça s'apprend et se mérite.

L'humanité prend la photo du soleil larmoyant déclinant à l'horizon, cachée derrière un appareil pour prouver qu'on était présent à la fin du monde.  Regarder l'astre qui s'enfuit, abandonne, directement est trop violent, trop triste. Il faut partager la défaite quand vient le temps des loups. Clic clac et puis : " il faut rentrer maintenant, tu sais il commence à faire froid". Étonnant. Touchant, émouvant aussi au sens de Férré. Triste.

 

Me voilà donc en altitude dans la forêt domaniale de Rasteau. Au point culminant. Cette fois la nature, la planète, m'a accompagné toute la nuit. Le couvre feu a supprimé les rôdeurs et par conséquent les aboiements des chiens qui semblent le respecter aussi. Logique. Une belle nuit de silence, je peux y ressentir l'absence de ce bruit continu des carcasses de bagnoles pétrolières montant dans le ciel comme le signe d'un humanité qui urine sur les godasses de millions d'êtres vivants.

Voilà le soleil apparaît. Je l'ai toujours dit c'est plutôt vers l'est qu'il faut regarder. Et les massacres des Indiens, prémices des colonisations dévorantes, sont la résultante d'une perte d'orientation... C'est aussi simple que cela. Si Colomb et les autres n'avaient pas perdu la boussole on serait, comment dire ? Peut-être ailleurs.

Belle photo ce matin des Baronnies et du Ventoux. Et je ne vais pas me coucher. Pas de jardin de Gethsémani pour moi. Pourquoi livrer la planète ?

  3) Le rêve de René Barjavel s'est arrêté là...Il ne reste que sa tombe...

 

Entrée de Bellecombe... Il faut partir ? Sommes nous prêts ?

Personne ne connait René Barjavel. Normal. Il ne parlait que de fiction. Narrations gratuites.

Aujourd'hui avec mon petit vélo, je vais parcourir la fameuse vallée des Baronnies, celle de Tarendol, le refuge de l'écrivain qui voulait fuir la foule de Nyons et surtout de Paris.

Cette vallée commence au col d'Ey pour moi et ma sortie est prévue au col de Soubeyrand juste en face. Quelques kilomètres dans un endroit privilégié et riche de calme. Comment ne pas penser à "Ravage" ce roman post apocalyptique ? Douce vallée protégée des erreurs humaines.  Pourtant , c'est étrange. Je semble ne pas la reconnaître moi qui l'avait un peu magnifié autrefois avec ces arbres fruitiers déformés par la récolte .

Les "casse autos" semblent être légion avec de-ci de-là des carcasses abandonnées au bord des champs...Le désordre, aucun sens du paysage, des bâtiments de tôles pour optimiser les coûts. Les fameuses machines et le progrès  enfin abandonnés ? Je ne crois pas.

En arrivant à Bellecombe un bateau est  posé là dans un jardin, il est prêt à partir à nouveau, ce n'était peut-être pas la bonne vallée. A moins que je n'ai pas bien compris le message de Barjavel. Je vais y réfléchir. Un autre fois,  je vous parlerai de Brigitte Rieux.


Ce désir de "casse-auto" qui me laisse rêveur... C'est magnifique... 


Je n'ai pas bien compris le message, ce n’était qu'une fiction ?...



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