PARIS - BREST - PARIS 2019 " Il était une fois vers Brest..." Du 18 au 22 août 2019
Brest au couchant ou au petit matin, peu importe l'heure !? Credit Photo : Lycée Ronarc'hBrest |
17 août 2019 " Veillée d'armes..."
5h40 - Nous voilà trois dans cette voiture (SC, BL et GR) qui a fière allure au petit matin vers le
fameux pont de Millau.
Les hommes s'en vont
toujours. Ils s'en vont vite et souvent loin . Toujours. Ils ne le disent pas pour ne pas choquer mais
aimeraient parfois aussi ne jamais revenir. La notion de retour est réservée
aux indécis, à ceux qui abandonnent le rêve sur la bande d'arrêt d'urgence. Et nous reviendrons, par intérêt, culture, éducation... Ce
rêve sera transformé en hypothèse dans les minutes qui suivent et beaucoup
prétendront, après un laps de temps très court, qu'il n'a jamais existé.
On ne va pas très vite
mais on progresse bien en échangeant quelques pans d'histoires cyclistes commune (ou pas),
parlant de visages déjà disparus qu'ils soient encore vivants ou morts. De chamans
d'autrefois, de Druides, d'intégristes mais aussi des "bricoleurs"
qui n'ont jamais fait avancer l'idée vélo d'un centimètre... On s'étonne de
périodes flamboyantes, j'aborde parfois quelques histoires plus sombres ce qui
fait naître des silences...
La France des retours
et surtout celle des départs est belle, on la regrettera peut-être un jour. On
la regrette déjà. De ne pas l'avoir protégée et transmise. Ces campagnes, ces
villages, cette verdure qui persiste
malgré ce chalumeau fou que nous avons mis en marche.
Pourquoi aller à PBP (PARIS BREST PARIS) ?
Certainement pour vérifier qu'il existe deux choses bien distinctes qui doivent
dialoguer ensemble : le mental et le physique.... Et puis c'est la quête de
l'océan sous les musiques d'Ennio Moricone
dans "Il était une fois vers
Brest". Nous allons être partagés entre le sourire de Claudia Cardinale et le rictus de Frank (Henri Fonda). Ce désir de
rester, ce désir de partir et attention ! Quel en sera le prix ?
Pourquoi partir faire ce truc de ouf ?... |
Parce qu'il faut partir ! Frank est avec toi et en toi, il suffit de le décider... Frank est en chacun d'entre nous, il garantit la rade et retour à ceux qui en paient le prix... |
De ce trio lancé vers
les champs de boue de Rambouillet sous un déluge fin de canicule qui reviendra ?
Les statistiques nous disent que la voiture sera un peu vide au retour. Il ne
faut pas y penser. "La fleur est encore au fusil". Là un 48h, là un
85 h, là un 71h, le trio est très mal assorti pour rouler ensemble. Il ne
le fera d'ailleurs pas. PBP pourrait les réunir et les faire s'embrasser, mais aussi surtout
les disperser, les anéantir, sans aucune logique, les boussoles s'affolant
lorsque le cerveau n'a pu fermer les yeux alors que se profile dans la plaine,
telle une faux, l'étrange signal de Bécherel au retour de la rade...
Cette pluie qui tombe
dans le bocage où nous avons réservé un gîte (près le Perray) me fait repenser à la "bataille de 2003" ou personne n'avait
rien compris à la descente sur Sizun, au refroidissement climatique non
annoncé. Cette "défaite" devrait être étudiée dans les écoles de cyclismes, remplacer les cours dispensés sur le meilleur profil des gardes-boues pour que l'on envoie plus au front des poilus "à poil."..
A quoi pensent mes
compères au milieu des poules et la campagne? Moi je suis transporté à Guérard,
commune de l'ouest de Paris, à ces ramassage des
prunes en un lieu strictement identique alors que j'avais moins de 10 ans, avec
tonton René et Nicole. C'est étonnant, une veillée d'arme te fait remonter des
souvenirs un peu comme si tu étais jeté dans le vide pour passer le film de ta
vie...
Oui les " chevaux
de course" vont mourir comme en 2003, le corps sera éjecté, la survie ne
pourra se faire que si on renonce à des tas de chose.
Je n'ai pas trop
roulé, j'ai du gras, je suis confiant. Je me souviens aussi. C'est ma force.
L'histoire sombre ou joyeuse est ma force, la mémoire m'a toujours fais
progresser. Et vous ?
PBP est aussi la plus grande escroquerie hypocrite du dernier siècle en matière cyclo-fédérale. On veut nous faire croire que ce n'est pas une
course mais on y vient pour "faire un temps" ou régler les horloges.
Du premier au dernier. On est en compétition contre soi-même et les autres sur
un axe de référence. Il y aura les premiers, les derniers et ceux du
cimetière...
Il y a aussi deux sous
catégories : les assistés et les autonomes. Et vers Noël, au nécessaire "dîner
de con(s)" qui détend, il faudra bien dire sa performance et sa catégorie.
Un autonome qui passera en moyenne horaire devant un assisté aura la considération
de ces dames et ration double car il sauverait la tribu si un danger se
présentait. Un hors délai serait un "handicapé gentil" à qui l'on
pardonne et qui ferait la vaisselle comme les médias nous le conseille...
A PBP d'ailleurs il
n'y a plus de "randonneuses lourdes" bénies par Ste Bernadette à part
peut-être pour quelques farfelus qui veulent montrer que même lestés de kilos
ils en reviendront de la guerre. Gros pneus,
énormes charges, sacoches à cassoulet... Tout cela remonte plutôt au temps où les
Chapattes et autres Maurice Diot (dit le Teigneux va savoir pourquoi) avait laissé cette compétition aux fédérés du consensus Vivie et liturgie qui, le doigt pointé vers le ciel, on décrétés les
nouvelles règles : " Nous on va rouler vite et longtemps sans classement
et surtout on va tous s'aimer en comparant bien nos temps..." Donc PBP est une
compétition au même titre que les marathons et le bac français. Des recalés et des notes gravées
sur une médaille.
Moi cela ne me gène en aucun cas, je viens pour ça. Le jour où il supprime la puce de chronométrage je n'y mettrai plus les pieds. Soyez en certain.
Moi cela ne me gène en aucun cas, je viens pour ça. Le jour où il supprime la puce de chronométrage je n'y mettrai plus les pieds. Soyez en certain.
Allez ! Allons "Fluncher" après ces
contrôles vélo sous la pluie, le corps
réclame un peu d'équilibre avant d'être jeté dans le vide sur 1200 bornes d'altitude quand
même...
La campagne en banlieue Parisienne - Un certain chic... Les vélos à l'abri... |
18 et 19 août 2019 -
"L'appel de l'océan"... 521 Km
Voilà les troupes dans le parc du château. Napoléon Bonaparte
pourrait les passer en revue. Je pense qu'il pousserait aussi quelques
gueulantes eu égard au manque de discipline. C'est un peu tout et n'importe
quoi. Mais bon ce n'est pas une course c'est un pique nique à organiser vers Brest. Ah le
mental en aura-t-on ? Celui qui fait voler un escargot et aussi s'écraser, comme une enclume, un aigle... Les récidivistes se toisent, les absents se cherchent, ne perdons
pas d'énergie, allongeons nous sur cette immense pelouse pour voir passer Claudia Cardinale avec ses belles robes
et son ombrelle...
Le "chantier" des départs échelonnés... |
Dans des parcs de château, en principe on ne pousse pas des bécanes mais on se doit
plutôt de jouer à colin-maillard avec
des donzelles qui gloussent de plaisir... Pauvres hommes... Un mage
passe... il semble déjà à rebours de cette compétition sans pitié...
Atteindra-t-il Fougères ?
Un mage s'écarte du groupe... |
19H16 C'est parti pour le gros chantier des paquets et de l'inorganisation.
Quelques uns pensent que l'arrivée se juge vers 21H ce soir. Ils sont décalés
de quelques dizaines d'heures et ça va fumer dans les pendules à peine plus
tard. On a dis "pas d'amis, pas d'échange de mail, encore moins de
lettres..." Ici c'est Frank qui parle. Le chemin de fer va vers l'ouest et
ne te mets surtout pas en travers de la voie...
La tombée de la nuit
en fait trembler quelques uns du côté de Châteauneuf
en Thymerais. Il ne faudra pas s'arrêter à Mortagne. Pour y faire quoi
d'ailleurs ? Du tourisme ? On n'est même
pas contrôlés. Commencer la nuit en visitant des ruelles ? Juste un peu
d'eau. Pas de saucisse, aucun barbecue...Les sirènes s'en prennent aux systèmes digestifs et rien d'autre... Vous ne me piégerez pas.
Que c'est génial ces
chapelets de lucioles qui filent devant et vous montrent la route, ces
discussions de groupes d'espagnols qui animent la nuit, le passage froid et
métallique des garnisons allemandes que surtout tu dois éviter pour ne pas être
éjecté, n'ayant pas de "laissez passer".
Il faut vivre la nuit,
on fera les comptes à l'aube... Ce qui
est remarquable c'est qu'avec tes petits mollets, lorsque le jour pointe, tu as
déjà réalisé 230 km. Comme ça en rêvant. Ou presque. A Villaines-la-Juhel (4h36) tu
croises RC, ta première connaissance qui
va peut-être mourir et te demande de lui fermer les yeux... Tu lui dis n'importe quoi afin qu'il souffre un peu
moins et... tu l'oublies. Fougères est devant.
En êtres à sa 4eme
participation aide beaucoup à négocier les secteurs improbables de Hardanges, dans le froid du petit matin, et surtout bien comprendre l'arrivée sur Goron à l'aube... Et surtout cette
dégringolade strictement inutile sur "via di servicio" au bas de la
ville de Fougères (8h55 - 306 Km).
Le contrôle. De l'eau
vite... Pourquoi ai-je ce bracelet bleu au bras ? Qui me l'a placé de force ?
Ah oui ,comme pour mes collègues, c'est
pour être identifié avant la grande opération, on passe sur le billard... BL va
être lobotomisé sur la table de PBP... Et si je me perd dans le creux de
Huelgoat je pourrai toujours être identifié par "les hommes en blanc".
Signe clinique de reconnaissance... |
Sur la route de Tinteniac, à la faveur d'un arrêt, je
retrouve JD qui voudrait que je
prenne sa roue!? Quelle roue ? JD n'a pas de cinétique stable, elle est indexée
sur des rencontres, des opportunités des humeurs... Il va détruire ce que j'ai
construit en 40 ans de pratique... Il va surtout me réveiller du beau rêve de
mon enfance. Je préfère le laisser après Tinténiac
(12h06-360 Km) en lui donnant en pâture une formule choc : " c'est mon
dernier PBP, je veux le vivre seul..." (et pas le partager avec cette humanité
qui cherche à" faire un temps non mais des fois...). Plus loin alors que Bécherel se profile, inutile bosse à antenne,
JD est déjà arrêté, il a croisé des
admirateurs... C'est qu'il est admiré JD! Et c'est très bien.
Atteindre Loudéac est long et fastidieux, le vent
est défavorable et c'est "chacun pour sa peau". A posteriori
j'apprendrai que c'est dans ce secteur "faux plats qui rendent pas"
alors que l'on va dépasser les 400 bornes, qu'il y aura le plus de dégâts et
que les chevaux de course fragiles vont s'épuiser.
Au contrôle (17h20-445 Km), SC me fait part de son abandon. A l'heure où j'écris ces lignes je
regrette de ne pas lui avoir proposé de continuer avec moi à un autre rythme
dans une autre aventure. Mais il semble déterminé et moi je sais que Brest est
encore loin, que ma préparation n'était pas la sienne, qu'il avait d'autres
coachs plus séduisants et que...il faut partir.
Le
passage des 24H (19h16) se fait au
km 471... J'ai traîné un peu mais je
suis satisfait car avec ce vent et le fait que je roule solo finalement ce
n'est pas mal... Arrêt crêpes pour fêter ça. Toujours autant de personnes au
bord des routes pour t'encourager à aller plus loin, plus vite... "Go, Go
!"...
Carhaix 21h55 (521 Km). Je sais qu'il est trop tard pour enchaîner dans le noir
vers Brest, pour aller vers les navires, les goélands qui hurlent dans les
embruns, rencontrer les capitaines, corsaires et autres matelots... Je gère un
global. Il me manque une heure pour filer vers les monts d'Arrée. Je me résigne et j'ai raison.
Je trouve une haie qui
va me permettre dans le campement du ravito de m'enrouler dans ma couverture de
survie. Il faut prendre des décisions
rapidement. Tout doit être anticipé sinon tu erres dans les limbes à jamais,
cherchant le pourquoi du pourquoi et du comment... JD, revenant de nulle part, me rejoint vers minuit. Je lui demande
juste de ne pas faire trop de bruit.
20 août 2019 " la magie du secteur Trédudon..., horizon des évènements..." 348,5 km
Vers 2h du matin, le "reset" a eu
lieu. C'est la partie électrique du cerveau et des transmissions qui demandent
de l'attention. Un muscle c'est bête ça ne fait que de la mécanique à
l'infini... Dormir quelques minutes permet de ventiler les connections et de
remettre à plat les cartes de la performance.
Quand tout semble perdu, je dis bien tout, tu n'as qu'une
chose à faire : " Dormir"... Ensuite on en discute...
Nous voilà frais comme
le climat du lieu à évoluer dans les monts d'Arrée par la variante touristique.
On y vois "que chi quedal" parfois même quelques volutes de
brouillard évoluent à hauteur des yeux. Les feux follets d'un cimetière ? On
est à la limite d'un espace temps...Il faut aimer ce secteur, c'est lui qui te
donne Brest si tu le gères bien en gardant ta joie d'enfant. A défaut il te couche dans les orties comme un nouveau
dormeur du Val. On récupère la grand route à droite et il y a ce signal magique
illuminé. Le signal de la descente sur Brest
(Trevezel).
JD
est parti à fond devant, il doit tester
quelque chose. Il prend de l'avance pour s'arrêter. C'est une option. La descente de Sizun c'est un piège... D'abord parce que cela ne descend pas et
puis il y a le froid et l'humidité. Je suis très bien équipé cette année, je
sais qu'ici tu peux finir dans une poubelle à te faire une cabane avec des
cartons.
C'est un secteur aussi
où tout tombe en panne, GPS, Garmin, Lampes, compteurs... "Le black out de
Trédudon". Quelques esprits ? Pourquoi pas ? Ce sont les landes bretonnes,
le granit radioactif ? Et c'est surtout que l'on atteint les limites horaires
des USB, accumulateurs et autres gestion mathématiques des lumens par moyeux
interposés.
C'est vrai sur les
forums, il fallait proposer les piles.
Simplement. Un jeu de rechange max pour PBP. Certes c'est moins fun, moins cher
et ne demande aucune compétence sur la conversion et l'optimisation des unités
énergétiques... Mais c'est 10 fois plus
efficace. Suivre un GPS sur Paris Brest ? Mais c'est que tu sais pas lire le
sens d'une flèche..!? Tu te crois dans un Airbus ? Il faut regarder les
paysages et la nature. On ne peux pas se
planter...Impossible. A moins d'être distrait. Et il y en a des distraits !!!
Suivre une lampe rouge et un écran lumineux avec des flèches sur des centaines
de bornes quelle horreur...! Je préfère arrêter le vélo et rejoindre Lulu au
boulodrome. C'est dire.
Voilà les caravanes du
sommet, ce replat avec quelques ravitos sauvages. Ce sera mon 13eme passage ici
en Diagonales ou PBP. Mes petits enfants, dans quelques années, trouveront étrange de voir papy s'assoir
pensif dans le lichen, le regard perdu. Mes fils diront "laissez le un
instant seul, papy a vécu des choses ici, il n'est plus avec nous quelques
minutes..." Un peu comme ce vétéran à Utah Beach écoutant le ressac avec les
yeux mouillés...
A Sizun c'est la nuit,
on va en finir mais on hésite dans un bistrot... discutant avec ceux qui posent
des questions. Que dire sinon que la rade ne sera pas donnée, il faudra la
prendre. Cela tournicote dans le bocage pour le final sur le pont...
L'arrêt pour quelques photos est conseillé. On l'a pas
défendu mais on l'a payé cher ce pont. Il est 7h du matin et quand bien même on
meurt souvent à l'aube il est possible aussi parfois de renaître. C'est un bon
moment, je vous le conseille. En 2015 dans un brouillard absolu j'avais buté
sur les murs de la ville sans avoir pris conscience d'être passé sur le pont.
Dingue.
Pont A.louppe... C'est la moitié du truc de ouf ! |
Allez on monte comme
des cadets vers le lycée contrôle (7h45).
Mais quand ferai-je du tourisme à Brest ? C'est insensé mon nombre de passage
" au taquet" par ici en négligeant de visiter les cimetières marins
et les tavernes...
Il faut mettre le vélo
dans l'autre sens, et proposer une prime au sommet du signal pour que JD s'en aille... Je veux rentrer seul.
Ma vie est une grande solitude ponctuée de rencontres hasardeuses. J'ai encore
une fois besoin de savoir ou j'en suis.
PBP peut te recaler vite fait, te remettre à plat. Il va tester tes soucis et
voire si finalement ils sont légitimes. Si tu souffres et abandonnes poses toi
les bonnes questions ensuite à ton retour,
sur ta vie... Pas sur tes muscles, ta langue, ton cul ou ton cou.! Dis toi bien surtout "étais je suffisamment libre et serein
pour aller vers Brest et en revenir entier " ?
Oui le retour de Brest
peut -être une grande joie avec la récupération de "ceux qui montent"
où tu te croises plusieurs fois pour te croire sauvé et en avance... Le soleil
monte, le signal est visible, la nuit t'a épargné et c'est la grande tirée vers
Carhaix sur un nouvel asphalte, des
coups de cul qui ne ralentissent pas. "On
rentre les enfants, on rentre..." On espère un souffle aussi dans le dos,
celui là même qui fauchait sur la route de Loudéac hier, la "grande boucherie" de la sortie
de Tinténiac...
Trévezel, à l'aller la nuit c'est le Nangat
parbat, de jour, au retour, un simple faux plat montant...
Carhaix à nouveau (12h42) que de temps
perdu ou gagné on ne sait plus trop. Il faut penser Fougères désormais et ...c'est loin.
Cette Bretagne
abrasive jusqu'à Loudeac finalement, je l'aime, c'est une Bretagne du
matin, de l'enfance avec ces galettes de Sarazin, ces croix...ces clochers, le
bocage... Et je sais que le "no man's land" peu avant Loudeac de bosses inutiles sera bien
négocié. "Step by step" !
dis-je à ce cycliste... Un peu d'anglais car je ne vais pas croiser un
français, mondialisation médiatique oblige...
Le mental se programme
sur 90 bornes... Ce sont des tranches de 100 bornes à négocier successivement
avec le sourire ...
Il
ne faut pas penser à après, c'est trop lourd, c'est un fardeau, c'est
impossible. C'est ici là et maintenant. SC
dit bien d'ailleurs qu'il faut s'occuper du présent. " Dans PBP il est
plus facile de prévoir son heure de départ que son heure d'arrivée "...
J'adore. Et où sont Eric et Masha ?
(EL et MV) à cette heure... Leurs navires filent-ils vers les 65 heures sans le
moindre accroc, la moindre mutinerie? GR
a-t-il vaincu ses démons de 2015 qui l'ont fauché dans le secteur des druides
de Commana ? Saura-t-il se
reconfigurer et aimer cette catégorie autonome qui l'a vu naître dans l'épreuve
il y a peut-être trop longtemps ?
Loudeac (19h04), je sais il est tard mais rien n'est
comme avant... Il fait jour et ce cimetière d'hier est une belle dévalée vers
la nuit, sans accroc et sans haine. Je vais vers Fougères c'est une certitude, je n'en rêve pas. Je sais qu'il sera
difficile de l'atteindre ce soir. Il faudra être stratège... Becherel et son signal se profilent,
ses lumières intermittentes et cette montée vers la lune sont magnifiques. Et
peu importe si je suis à 8 à l'heure à coté d'une fusée blanche immobile avec un
Jules Verne couché qui "en veut" encore, alors que la gravité
voudrait l'enterrer..
Becherel se mérite, je n'en attendait pas
moins. Dans ces secteurs ou la notion de cinétique est un luxe il suffit de
dire : " non tu ne m'auras pas Bécherel, je vais passer, j'ai le temps,
c'est moi qui décide encore à 56 ans..."
Tinténiac (0h37) il va falloir dormir un peu. Partir
dans cette nuit froide et humide ne va pas être très rentable. On fait un reset
de quelques heures. JD d'ailleurs
est là, PBP a mis en vrac son dérailleur électrique.
21 et 22 août 2019
"Là ou s'exprime (ou pas) l'esprit d'aventure, la joie de maîtriser l'épreuve..." 349,5 Km
J'ai du dormir 2h30
sous un escalier. Pas très confortable mais au chaud. Le vélociste s'avance, il
a du opérer JD, tenter de recharger une batterie de
dérailleur électrique... Ces opérations
qui font avancer la science. La guerre a toujours fait progresser la médecine.
il n'a pourtant rien pu faire pour JD,
arrêt cardiaque constaté, il faut rentrer sur braquet fixe à l'instar d'un TSL ou d'un GB...Pour JD cela ne doit pas poser de problème puisqu'il adore
accélérer pour mieux s'arrêter. Il se lancera au bas des pentes, enrhumera tous
le monde et on reviendra sur lui sur le plat... La vie est simple. Le vélociste
raconte aussi qu'il a fait une opération à l'ancienne sur une fourche sans
anesthésie et qu'il veut dormir maintenant. C'est un héro. Il faut l'admirer.
Et tout ça au milieu des cadavres qui tentent le reset pour pouvoir continuer.
il aura plus tard, après PBP, fin août, une carte d'ancien combattant et des
réductions pour naviguer dans le métro de Paris.
4h,
le froid et l'humidité sont là. JD
sprinte déjà, et disparaît dans le noir...
Je sais que pour être
dans les 70 h cette section aurait du être négociée hier au soir. Cela a -t-il
de l'importance ?, j'ai dormi comme un bébé et je vais profiter. "Profiter" je n'aime pas trop ce mot très utilisé par les
organisateurs de raids en autonomie. Ceux qui en profitent vraiment ce sont eux
mais ils le disent toujours aux concurrents avant le départ. "Profitez,
profitez... (moi je pars avec la caisse...)" Il y a aussi le mot "partage" mais je vous en parlerai dans une autre aventure...
Il y a eu un arrêt
boulangerie peut-être à Sens de Bretagne.
J'ai perçu alors de la joie dans les voix, la joie de n'avoir plus que 300
bornes à négocier alors qu'un soleil nouveau se lève. On sera peut-être rentrés
ce soir si on sait faire... "Step by step..."
Fougères (7h48). Quelques hésitations pour savoir si en sortie on doit prendre
la voie express... Oui c'est le mieux... Ne pas penser. Il y a les flèches. Au
sommet, à droite route de Gorron. Un
vent de nord-est s'établit, finalement défavorable mais je n'en ai que faire,
la cinétique est bonne. Le ravito
sauvage de la Tannière avec le mur
de cartes postales est une habitude. J'opte cette année pour une crêpe de la
patronne à la rhubarbe s'il vous plait.
Il me faut des sucres rapides pour retrouver Villaines. Lassay le château, je mange après avoir braqué un Vival de campagne sous les questions pertinentes de passants qui auraient voulu peut-être en être.
Une crêpe à la Rhubarbe contre une carte postale... |
Il me faut des sucres rapides pour retrouver Villaines. Lassay le château, je mange après avoir braqué un Vival de campagne sous les questions pertinentes de passants qui auraient voulu peut-être en être.
Villaines-la-Juhel (13h21), il a fallu la nuit pour arriver là il y a pas si
longtemps... tout se mélange un peu mais je reste lucide, l'horloge n'est plus
infaillible, elle comprime et dilate, il faut rester froid pour arrimer le
vaisseau au quai de Rambouillet.
Je côtoie toujours un
peu les mêmes personnages, je les reconnais à leur coup de pédale, leurs
sacoches mal arrimées, leur posture... Avec la fatigue toute dissymétrie
est immédiatement constatée et
amplifiée. Beaucoup penchent sur la gauche (jambe plus courte ?), vers l'avant
(effondrement du squelette ?), baisse la tête et les yeux semblant embrasser le
compteur (cervicales)...D'autres relancent à fond en danseuse et s'arrêtent (
cul explosé?) en roue libre. De
magnifiques montures sont à l'arrêt total même en descente, ayant négligé de faire
le "reset électrique..."
Que dire aussi de ces
yeux bridés (Coréen, Chinois et autres Japonais) qui te doublent régulièrement
à 35, 40 à l'heure sans jamais te larguer... Quel est donc leur stratégie? Où
perdent-ils tant de temps pour , en roulant à 30 de moyenne, finir hors délai ?
PBP, paradoxalement,
c'est vraiment tout et n'importe quoi... Il n'y a pas aucun groupe qui sait
rouler. C'est un peu "chacun pour soi" sur 1200 bornes... C'est vrai
que c'est individuel et que notre histoire est la notre, mais enfin, de temps
en temps, on pourrait s'aider... Je n'ai pas dit s'aimer... Si tu aimes un
concurrent tu finis derrière lui, sans t'en rendre compte... Et vas expliquer ça à Noël... Sur cette route
qui va mener au magnifique ravito fédérale du club de Mamers, j'ai tenté
d'organiser les troupes (club des Caussades) avec des "relais mous"
qui favorisaient en bosse les plus faibles. Un rythme d'éternité sans
accélération, une bonne cinétique vers l'infini ou même celui qui
n'y croit plus pouvait entrevoir le lumière... Et ben ils ont tout cassé, Lulu
y allant de son gros braquet pour exploser les potes dès son passage de relais
qu'il fait une fois par la gauche, une fois par la droite, alors que ce n'est
pas son tour..!? J'ai disparu par
l'arrière, il n'y a eu que 20 bornes (sur 1200) de tentative d'amitié. En fait
sur PBP ce ne sont que des chiens et dès que la neige tombent ils ne savent pas
s'organiser en meute pour survivre. Ce sont des caniches, ils ne deviendront
jamais des loups. ce n'est même pas un regret, c'est presque un gâchis
technique pour faire soft. Napoléon en pousserait de ces gueulantes...
Tiens JD qui passe !? C'est vrai Mortagne ça monte et il doit prendre de
l'élan maintenant que c'est plat, ne pas attendre. Mortagne est
un sommet et cette fois, il est hors de question de ne pas s'arrêter, il y a un
contrôle au point le plus haut.
J’enchaîne par ces
fameuses montagnes du Perche, le
Parc Naturel ponctué de quelques bosses (5 ?). Après ce sera "l'aéroglisseur"
comme dit si bien GR, du plat avec
du braquet... "On rentre les enfants, on rentre..." , il y aura à
peine un peu de nuit. De gros groupes
s'organisent avec des cinétiques de cadets, cherchant à se tuer en famille,
surtout ne pas les accrocher... Quand bien même ils te dépassent, se mettre
dans leur roue est un crime, ils sont inféodés à des principes. Je sais aussi
que si j'en ramasse plus loin, je ne jetterai même pas un regard...Qui sait si
je ne les pousserai pas dans le fossé...?
Dreux, c'est un peu compliqué de nuit car les lumières de la ville reculent, tu
ne sais pas comment atteindre le petit pont du petit jardin japonais du contrôle. Passer sous une
voie rapide, remonter une rue, faire quelques angles droits, bref on y arrive
toujours (23h13).
ED, l'Irlandais de Vézenobres (30), santon bien connu de la crêche BRM, est assis dans la salle
commune face à 4 ou 5 bières, il se concentre pour les ingurgiter toutes, il a
soif. Il a sommeil aussi mais n'est pas prêt. Il pense le regard fixe et dans le vide. Il a peut-être peur de
gagner ? (Il finira à quelques minutes
du délai, par jeu certainement, le plaisir de presque échouer...).
Moi, je me fais un
petit repas, un reset de 30' en salle de réanimation et avec un double café, repart
en chantant.... On est mieux sur la route... On l'aime la route... On aime la
nuit... On aime la fraîcheur... On aime la nature... On aime les arbres, la
forêt... J'attrape des lucioles. On croit que l'on a besoin d'elles mais pas du
tout, c'est très bien fléché et puis elles disparaissent de façon aléatoire par
devant ou derrière sans préavis comme des papillons nocturnes... Il n'y a plus
rien de rationnel ici et maintenant. Ma frontale, à pile je le précise, est
puissante et montre que j'ai une belle cinétique pour finir en moins de 80 h.
Pourquoi se priver ? Je chope 2 roues... Ils veulent me sortir... Décidément
ce n'est pas une club de rencontre ce PBP... Mais là je suis joueur un peu
comme GR sur cette même section. Je
vais me déglinguer pour pas sortir des roues... Tout aussi bien un des deux va
péter... Les bornes filent, c'est peut-être ma meilleurs moyenne sur ce PBP
puisqu'après il n'y a rien.
En pleine forêt de Rambouillet à 2 ou 3 bornes de
l'arrivée je les laisse partir. Je me retrouve seul dans un calme absolu... Quelques
halos derrières moi ne reviendront jamais...Sont-ils réels..? Je me retourne
encore. Plus rien.
Je finirai bien
droit sur ces pavés de la sortie de forêt. Le chronomètre est au bout du parc,
sur cendre et pavé également pour corser un peu les choses. On dirait la place
du palio à Sienne ou les chevaux s'étripent chaque année... Ici
les chevaux, dans ce rond point de bergerie, vont tomber à l'arrêt, le
parcours les aura bien détruit. Peut-être ceux qui, par la fatigue, penchent
sur le droite, auront un léger avantage sur ce sens horaire de la piste finale...
(2h46' soit 79h29 au total ).