Le Tour se mérite... (23 juillet 2019 - 113 km- Aller retour St Mathieu-Nîmes
Je suis
parti " à la fraîche" (relative) puisque notre époque est et sera
caniculaire... Un déplacement au départ de la maison comme les
écolo-intégristes. Ce plaisir et ce devoir bientôt de rejoindre un événement
sans la moindre portée mécanique. Je l'éprouvais déjà il y a quelques années
lorsque j'allais rejoindre les prêtres de Pâques en Provence. Pouvoir regarder
Jésus dans les yeux sans arrière pensée avec la certitude d'avoir souffert sur
un chemin. C'est bien.
Il fait déjà
chaud, le réchauffement climatique se mesure le matin à la température dite
minimale... On est pas loin de 25°C. Mais comment feront les coureurs cette
après-midi ?
Destination
les arènes de Nîmes pour le grand cirque, le barnum, via Sommières, Clarensac
et descente sur l'endroit frais de Nîmes : les jardins de la Fontaine. Pour
rejoindre cette ville, je ne passe plus par le sud qui te mène direct dans le
béton via des ronds points, des accélérations, des engloutissements de bosses et
de contournement, dans un bon thermique.
Je chute donc
sur les arènes et ce grand café de la Bourse pour ressentir le départ du Tour, déambuler
un peu, "Tongues aux pieds", en poussant mon vélo. Le timing est bon,
la caravane va partir. Je me poste devant l'ignoble gare en ruine, que Dali
aurait même pas calculé, ce qui me permet
d'entendre la voix qui annonce les retards pour problème technique, les retards
dit "de chaud " cette fois ci, la dilatation... Le tour va partir et
les trains n'arriveront pas. Deux mondes qui ne se regarderont jamais. La SNCF
c'est l'ennemi du cycliste, je l'ai mainte fois constaté et vécu pour vous en
parler. Elle devrait embaucher Christian
Prud'homme au lieu de passer son temps en juridictions prud'homales :) ...
Voilà
Marcel, un des fous du village, ils se font désormais rares mais là il a sa
place et est accepté car c'est aussi sa fête et que tout est un peu faux donc il est vrai. Que s'est-il passé pour
lui il y a quelques décennies ? Un accident de mob. avec la bleu dans les
années 70 ? Une chute de cheval ? Cheval de Camargue, je précise, ce sont les
plus fous... Un torro piscine qui l'aurait éparpillé, limite confettis ? Il est
touchant car le ravi, il fait partie de
la crèche qui vient voir Jésus et les autres, les traîtres comme les gentils.
La caravane passe,
je me surprend à attraper en vol ces cadeaux dérisoires ou quelques spectateurs
se voient disputer un porte clé de carton, une babiole insignifiante, avec un nourrisson ou une vielle. Il n'y a plus
d'âge pour le butin, on en redevient violent comme ces pigeons qui se battent.
C'est l'endroit ou tu porter une casquette minable et ridicule et pourtant tu
fais partie des vainqueurs...
Je n'aurais
pas de "Cochonou", j'ai trop hésité, un abruti avec bedaine m'a
devancé. Moi c'est la bouffe qui m'intéresse, chasseur cueilleur plus que les
autres, je ne suis pas une pie qui picore un bout de métal qui brille...
Vers midi
c'est terminé, je remonte l'allée ou l'Olympe des quelques bus climatisés, tous
plus magnifiques. Les Dieux regardent le peuple au frais derrière des vitres
teintées. Astana par ailleurs a une
magnifique glacière en soute pour les sorbets orange...
Je ne verrai
pas les coureurs, je l'ai décidé. Faire le pied de grue pour voir un cycliste
n'est plus de mon âge. J'avais attendu Hinault autrefois à l'occasion d'un Midi
Libre. C'était Hinault. Champion du monde et dernier vainqueur français.
J'avais 19 ans, l'âge d'aimer superman de façon inconditionnelle. Le dopage est
passé et les gens désormais meurent, c'est une certitude, c'est pour cela que je reste plus concentré
sur la dimension des bus ou médite devant le matériel des guerriers.
Pour être
positif, j'apprécie davantage les coulisses du théâtre que la pièce elle même et j'ai du plaisir à
remonter cette allée de bus à vitres teintées sous clim. J'ai ramassé quelques
briocoles. Par réflexe. Pour être avec l'humanité qui rêve. On en a besoin.
Un peu plus
tard, certainement perturbé par cette rencontre j'ai décidé de rentrer chez moi
sous le cagnard contemporain pour vivre ce que vont vivre les coureurs... A une
petite moyenne pour éviter la surchauffe tout en ventilant (c'est de l'art), je
vais m'arrêter plusieurs fois pour trouver l'eau et éloigner les hallucinations
songeant à tous ces quinquas qui meurent les week-end par insouciance et
négligence, se croyant immortels... Les coureurs vont faire l'étape à plus de
43 de moyenne..!?