La route CZ (1/2) (Chamonix-Zermatt-randonnée-Juillet 2018)



Chamonix Zermatt (CZ) à l’instar du Tour du Mt Blanc mais dans une autre catégorie, est incontournable. Le topo guide traîne sur les rayonnages de « la presse », il attend celui qui réalisera, il nargue aussi  celui qui ne fera que rêver le réaliser. Rien à voir donc avec ce tour du Mt Blanc (TMB) vulgarisé autrefois par mon professeur d’histoire « le fameux itinéraire Louis Secondy » puis, plus tard, le fameux UTMB, le graal de ceux qui ont été tirés au sort après avoir bouffé de l’ultra pendant 2 ans. Ces deniers d’ailleurs n’ont pas intérêt à abandonner. Ce serait un peu bête...Epuisés, la majorité se présente pour entrer dans l’histoire et souvent, endettée, dévalorisée, abattue, abandonne comme en 2017. Parlons chiffres : 171 km et 10000 m de dénivelé positif pour le TMB et 195 km et 15395 m de dénivelé pour CZQue me reste-t-il après un peu plus de 7 jours passés sur le terrain à suivre ce topo prévu pour 13 jours ? Quelques impressions et anecdotes. 


 1) " Osez Joséphine…"  Éloge de la disponibilité et du courage d’entreprendre ? Oui, il faut oser se présenter sur ce terrain où les cailloux sont mal rangés, sans carte, juste avec un petit bouquin (payé très cher d’ailleurs) et qui propose des photos à la place des lignes de niveau et ce n’est pas plus mal… On s’y retrouve très bien. Les cartes il en faut 3 et elles sont elles aussi hors de prix et, surtout, à usage unique.


Tu sors ce matin, et tu vas traiter CZ !.."  (Avoir Alire.com)





Le nom de code est « Joséphine » comme dans le film Nikita de Luc Besson. Jacques m’appelle un mardi 17 juillet au matin. Deux  heures après les sacs sont chargés, la bagnole s’éloigne… Peu importe les grincheux, les grincheuses, il faut « réaliser et terminer la mission… ». Météo oblige aussi . La disponibilité c’est le nerf de la guerre et de la réussite sur cette planète. Toujours s’en souvenir. Ne jamais l'oublier.
"Et la mission, on la termine au Cervin..." (Amagzine.com)

           2)     Fils de Craô…

Nous voilà donc cheminant sur des pentes proches de 3000 mètres d’altitude. Le premier vrai contact avec la neige fut peut-être lors de cette étape Cabane de Louvie, cabane de Prafleuri (Etape 6 soit N°3)… 
Ce passage n’était pas sans rappeler pour moi le passage de Capitello au GR20 Corse (2013). De la vraie haute montagne, neige toute l’année, minéral… Au col de Louvie (2921 m) donc, il faut redescendre sur la neige vers le lac du Grand désert. Quoi de mieux que de le faire sur le cul freinés par les sacs… L’invention du traîneau cela va de soi.



C'est plus rapide, plus direct, on s'adapte...


Plus loin (Augstoboard pass 2893 m) alors que je suis désormais seul, Jacques essayant de réparer quelques blessures aux pieds, je dois franchir un chaos de rochers monumental (étape 11- soit N°6). La complexité vient du fait que c’est du mixte, il reste de la neige et de la pente au milieu de tout ça. Pas un chat non plus, sur ce CZ en plein mois de juillet (Etonnant ?), une mauvaise chute peut se révéler problématique. L’absence de réseau au milieu de ces minéraux est également systématique. Il faudra bien acheter un petit piolet traction un jour pour ce genre de passage,  ça dépanne.
Peu importe, on improvise, ici il suffit de se baisser et de trouver une pointe de pierre pour parer à l’éventuelle chute… Je vais me promener avec ça à la main au milieu de la zone difficile, ayant quelques pensées pour Rahan qui aurait eu la même préconisation. Me voilà bien assuré sur ces pentes au milieu des blocs…


Tu nous as inspiré autrefois...

L'outil qui sauve sur la neige des névés...

















        3)     « Tout ça est est trop beau et parfait pour être vrai… » 
Le lendemain de la première étape mémorable qui nous a permis de rallier Champex en passant par la fenêtre (Arpette, et on ne croit pas si bien dire encore)… c’est le petit déjeuner qui nous attend. Une boulangerie restauration des plus achalandée nous attire, on ne regarde pas les prix puisque le budget ne va jamais dans les nuitées mais seulement dans l’alimentation (Jacques te moi sommes adeptes de « la belle étoile » ou tout système permettant de passer les nuits sans investir). Que dis-je ? Un salon de petit déjeuner des plus cosy, accueillant, comme à la maison. Il ne manquerait que la musique, les chants de Noël au milieu des « petits cœurs » et des œuvres d’ébénistes qui représentent des animaux, des figurines, des santons peut-être… Je pourrai distinguer en sourdine la voix de Magalie la Yodleuse des Alpes ou une autre peu importe, quelqu’un de blond c’est certain et… gentil… C’est Walt Disney mais attention quand même ! Le pauvre français (au sens propre) y est surveillé. Surtout ne pas placer une tranche de pain dans son sac. Sinon tu finis au pénitencier de Zurich, et sans extradition possible. 


Magnifique endroit bien rangé (trop ?)...

Etape d’Arolla qui mène à La Sage, idem, rebelotte. On se boit une petite bière dans un café au-dessus de l’église qui mérite le détour… Une véritable exposition, il y a même des tableaux au plafond (cartes)… C’est un peu trop… C’est agréable et puis après un temps, on est presque gênés… 



On a presque envie de se coucher là et d'oublier le reste... la vie, la réalité...

Le summum, dans le concept, fut mon passage à Arlaches (pas très loin de Champex aussi) de nuit en 2014 (TMB). En longeant les maisons, un jardin s’est brutalement illuminé, me faisant sursauter. Des petits bonhommes (blanche neige et les milles nains) se sont agités en musique avec des guirlandes etc. C’est comme « it’s a small world » à Eurodisney… Une musique mièvre et abrutie qui te reste à vie sur des images simplettes…Ce sont des enfants ces Suisses et américains ! La vraie vie c’est autre chose. On ne le sait que trop.

A Arlaches (Suisse), le nain surprend surtout le noctambule...











                     
   4)  «  L’étape la plus belle ? »  (20 juillet 2018) –Fionnay-Arolla.

 Avant tout nous sommes partis d’en bas, de Fionnay précisément  à 1490 m, petit village accueillant ou l’aubergiste nous a offert la nuitée (c’est à noter ! surtout en Suisse mais sa femme est bretonne…). Il s’agira donc d’un peu plus de 2 étapes topo guide (N° 5, 6 et 7).



 La montée sur le col de Louvie, la bascule sur le lac du grand désert, après avoir fait de la luge, la remontée sur le col de Prafleuri (2987m), on ne s’ennuie pas physiquement et surtout cette sensation d’être sur une autre planète te prend immédiatement. Un monde interdit, au milieu de millions de blocs de pierres. Tu peux passer là aujourd’hui mais demain tu restes en bas et lis le journal,  ignorant les cataclysmes de là-haut. C’est de la haute montagne. Ce qui m’a marqué le plus c’est après… Le petit arrêt à la cabane de Prafleuri, le rapide col des Roux, « même pas peur », et cette recherche d’un bivouac qui n’existe pas.  Nous avions décidé de ralentir un peu. Si, si. Mais pour cela il faut trouver à s’abriter éventuellement pour la nuit (rapport aux orages). Le lac de Dix ce n’est pas le lac du Désert même si on est à plus de 2300 mètres. C’est la Suisse qui fait du business avec l’électricité… On n’y trempe pas les pieds. Tout au plus James Bond passe ici en Wingsuit à ras de l’eau avant de plonger dans l’écrêteur de crue… 


Lac des Dix... Au fond, sur la gauche, le verrou Riedmatten...


Nous voilà à déambuler sur une piste, bredouilles, jusqu’au Pas du chat sans y voir un chat. Les quelques mouettes croisées aux abords de Roux ont disparus, effrayées par la fin d’après-midi sous quelques gouttes…
Nous décidons (pas le choix) d’enchainer Le Riedmatten (2919m) qui n’est pas beaucoup plus haut mais au comble de la sauvagerie minérale. Des cailloux, une instabilité, un parcours incroyable avec recherche d'itinéraire, un final glissant (19h30)… Une Incroyable étape.
Des animaux dans la descente  (des Bambis à cornes), un orage peu avant Arolla, un bivouac dans un garage. Voilà les derniers ingrédients d’une étape dite «  de légende »…

Le chaos... sous le col. Les blocs ou les échelles... ?



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