« Les Corbières oui, mais…la nuit... » (25 et 26 mai 2018- Brevet de Randonneur Mondiaux - 400 km)
Queribus l'entrée de "l'espace-temps Corbières". Credit : Janet Molins |
Les 25 et 26 mars 1989, j’effectuais un relais de France avec Bruno Boury au départ de Perpignan pour rallier Marseille en passant par Maillane, village de la fameuse concentration des sacoches à fanions, celles-là même qui a entretenu ma fibre Russe de collectionneur de médailles…(cf.blog) C’est vers le Grau de Maury que la nuit nous a pris sur nos engins, le parcours permettant d’éviter voitures et vents en tournicotant au milieu de l’argilo-calcaire Cathare. Corbières usantes qui te font passer par Cucugnan, Rouffiac, Montgaillard… au milieu de cols improbables et ce n’est pas le débat… Puis, Palairac, Quintillan, Villeneuve… au milieu de chiens qui veulent te bouffer, aveuglés par les torches… pour finir le massif, vers minuit, du côté de la maison de Trenet à Narbonne. J’avais optimisé les Corbières pour ne pas filer droit et atteindre 400 bornes. Nous étions en pleine forme et jeunes mais quand même, l'apéro était de taille… Un contact abrasif à passer dans des villages assoupis ne nous avait pas empêchés de rallier le melting-pot de la magouille et la misère (gare de Marseille), le lendemain soir, vers 18h30, après 411 km parcourus…
Mon retour en Corbières de nuit, je le précise encore, date de mars 1993 (le 10) à l’occasion d’un Tour de l’Aude. Parcours immense et froid de près de 700 bornes ou les nuits sont longues en cette saison. Je me souviens de cette étape (188km). Une arrivée la veille à Bram, « au taquet », mal alimenté sachant que le « qui dort dîne » est une escroquerie de sédentaire. Le plateau sibérien de Sault vers l’Ariège, la neige sur la route à certains endroits, à négocier à pied (quelle idée de passer au mois de mars ?) et le soir une remontée sur Bugarach en essayant de mettre « la sanyo » (dynamo qui "couine" ) le plus tard possible. Cubières illuminé, le ciel immense, l’étoile de Vénus… La lune. Grandiose. Et cette limpidité, certainement due au froid...Une envie aussi de replonger dans les Corbières de nuit et de poursuivre pourquoi pas vers Lagrasse, Narbonne, 1989… Remonter déjà le temps. La voûte stellaire en Corbières t’y invite… Interstellar. Duilhac enfin, avec sa célèbre fontaine, le départ de la nuit il y a 4 ans avec Bruno…
Duilhac sous Peyrepertuse, ..une invitation à la nuit Crédit : Commune.com |
25 et 26 mai 2018, que le temps a passé.
Je viens encore retrouver "les parfaits", les lumières, les brasiers… Je vous parlerai
aussi une autre fois de ce sentier Cathare arpenté pédibus avec Philippe
Gerbier dans le secteur. C’est une chronique cycliste pas pédestre.
Nous partons de Toulouse pour un BRM 400 avec Jacques (Delafosse) et Serge (Courtes), des clients pour un troisième passage. En fait, il y a une vingtaine de baroudeurs lâchés vers 19h sur la canal du Midi. Pas
le choix, c'est « Destination Leucate »… Imaginez ma nostalgie ? J’ai
déjà dans les yeux ces villages illuminés et ces routes qui mettent les GPS
« en vrac » et les corps aussi.
Mirepoix sonne la nuit. Chalabre, comme en 93 et c’est à Couiza que commence le Paradis… Voilà les loupiottes qui montent et descendent au milieu des villages, des routes, on dirait des pistes… Quelques éclairs au loin qui t’expliquent qu’ici ce pourrait être l’enfer… Les GPS, outils récents de trentenaires ou d'ingénieurs en retraite, ont rendu l'âme... Comme ça, vers 3h30 du matin, sans crier gare... et les cyclistes se retournent parfois vers toi, l’ancien aux cartes Michelin, pour que tu les sauves… Il y a le brouillage Cathare… Il faut rester lucide au petit matin, ne pas paniquer, ne pas dormir, alors qu’il commence à pleuvoir… Leucate village. 4h38. On se compte… Combien de disparus ? Un cycliste est couché là au pied du distributeur DAB… Il râle, il doit souffrir... On l'ignore presque, comme ces corps encore vivant dans la zone de la mort sous l'Everest. Il attend sa femme prévenu par radio portable… Une des victimes de ces passages de nuit.
Mirepoix sonne la nuit. Chalabre, comme en 93 et c’est à Couiza que commence le Paradis… Voilà les loupiottes qui montent et descendent au milieu des villages, des routes, on dirait des pistes… Quelques éclairs au loin qui t’expliquent qu’ici ce pourrait être l’enfer… Les GPS, outils récents de trentenaires ou d'ingénieurs en retraite, ont rendu l'âme... Comme ça, vers 3h30 du matin, sans crier gare... et les cyclistes se retournent parfois vers toi, l’ancien aux cartes Michelin, pour que tu les sauves… Il y a le brouillage Cathare… Il faut rester lucide au petit matin, ne pas paniquer, ne pas dormir, alors qu’il commence à pleuvoir… Leucate village. 4h38. On se compte… Combien de disparus ? Un cycliste est couché là au pied du distributeur DAB… Il râle, il doit souffrir... On l'ignore presque, comme ces corps encore vivant dans la zone de la mort sous l'Everest. Il attend sa femme prévenu par radio portable… Une des victimes de ces passages de nuit.
Les autres survivants, attaquent bientôt Narbonne par le sud, alors que le ciel blanchit. Ils ont passés le test de la nuit… Ce
n’est pas rien dans un palmarès… Corbières, je vous aime. A quand le prochain passage ? De nuit, cela va de soi. Pourquoi ? Allez-y voir.
Étranges portraits des baroudeurs après une nuit en Corbières... |