" Ardaillers le versant du soleil..?" (151 km -28 février 2025)
Ne vous méprenez pas sur la douceur Cévenole, elle n'est certainement qu'une légende, un désir.
Il n'y a que le pasteur Laurent Olivès figure emblématique des secteurs d'Ardaillers (je l'ai un peu connu dans une autre vie), qui pourrait me contredire. Il a beaucoup aimé et aidé les Cévennes lui.
Nous n'allons pas convoquer la mémoire de cet homme et si vous voulez des infos, il faudrait lire son livre " Souvenirs d'un enfant du siècle"...
Des mémoires redoutables, souvent tristes là-bas, au bout Dubout.
Jean Valéro, le Vélocio célèbre des faubourgs de Figuerolle, lui aussi, satellisé au-dessus des nuages, m'avait souvent mis en garde contre ces piémonts qui n'abritent finalement que des pestiférés, des réfugiés de religions, des fuyards d'épidémies, des victimes climatiques.
La notion de réfugié signifie ou sous-entend toujours, qu'ailleurs, c'est surtout pire. Rien n'est moins certain.
Oui, il y a une tristesse chez les habitants accueillis par les Cévennes, qu'ils soient protestants, juifs (guerre de 40) ou simplement "margoules" fuyant l'urbanité, sans le sou. Des Parisiens aussi, des idéalistes qui te disent qu'ils n'attendaient rien en arrivant et que la déception n'est pas vraiment là. Mais presque. On y trouve des communistes de la première heure ces gens qui embrassaient de la machine outil croyant qu'elles étaient humaines.
J'ai déjà écrit quelques lignes sur les "villes-portes" de ces fameuses Cévennes (Ganges, Lodève, Anduze, Alès) avec cette joie qui me caractérise lorsque je ressens du bonheur et de la quiétude mélancolique en un lieu.
Non rien de bien bon dans ces secteurs. Et pourtant, on y revient toujours avec son petit vélo. C'est comme un flux et reflux de marée, strictement inutile mais correspondant à une gravité lourde dont on est une belle victime. A-t-on le choix ? Faut-il préférer des pistes cyclables de métropoles connectées et bouffer une glace au milieu de familles bruyantes ?
Les Cévennes, c'est une spécificité, te font même croire que c'est toi le responsable, in fine, de cette rudesse. Après tout, la tectonique locale conjuguée au temps qui passe ne font naître que de magnifiques bouquets de genêts odorants et place dans tes menottes glacées, d'enfant cherchant le soleil, que de magnifiques châtaignes à déguster. Que répondre à ça ?
Et Abel Reilhan alors ? Crevé au fond d'un trou avec un piaf, au-dessus, qui rigole c'est quoi ? Une invention de Jean Carrière ?
Non, non, il y a du vrai là-dedans. Jean Carrière ne s'est pas trompé. J'y pense pas trop mais quand même souvent. Je soupçonne que le Jean est parti avec Abel dans le trou parce qu'il a simplement dit les choses telles qu'elles sont. Les Cévennes punissent ceux qui parlent.
Je vais étayer mon propos en faisant une sortie vélo sans aucun à priori, ni parti pris, et de façon aléatoire...
Suivez-moi. Il fait beau. Ce qui est bon pour le moral.
D'abord, je vais tranquillement à Ganges en évitant la Cardonille qui est une horreur macadamisée qui pourrait déjà altérer le jugement. Ganges toujours sur le Gange évidemment. On y croise des gens fort sympathiques qui entre deux pommes reinettes dansent au frais du contribuable à des soirées branchées organisées par des associations. Ici aucune entreprise, on s'associe tout simplement. Tout est association d'être et de choses, métissage permanent, fraternité des mondes et des galaxies, les grands les petits, chacun comme il est et surtout comme il n'a jamais voulu être.
Mais ce n'est pas le propos, je m'égare.
Filons maintenant direct vers Valleraugue pour aller vers la joie des sorties de jeunesse. En sortie de pont d'Hérault, je parviens devant la "maison de la vieille"...(Prat). Dans les années 80 et au-delà il y avait une mémé dans un jardin potager. Elle y passait sa journée et peut-être ses nuits... C'était une balise pour nous qui rentrions vers Montpellier. On allait de nos commentaires sur sa rusticité, qu'elle n'avait pas dû en voir beaucoup des loups-garous, qu'elle était finalement bien, confondue avec ses poules au milieu d'une petite décharge. La mémé du Prat...
Je ralentis devant la petite maison, le foutoir perdure mais, il semble que la vieille soit parti, définitivement. J'imagine, qu'on a dû la retrouver dans le jardin, un jour où je n'étais pas attentif, attaché à m'activer derrière des inutilités de rêves immobilisés plus près de la côte. J'ai perdu la balise. C'est fini.
Je dois d'ailleurs penser à elle alors que je continue et progresse sous le col des Vieilles près de Majencoule... L'ont-ils enterré là-haut au-dessus des oignons ?
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Mais où est donc passé la vieille... ? |
C'est un peu triste cette vallée qui se fait défoncer par la flotte (Hérault) régulièrement. Les maisons rives gauches semblent isolées, les ponts écroulés non entretenus. Les néoruraux n'en veulent pas ou plus. Ils ne sont pas fous d'ailleurs. Ils retournent, vite fait bien fait, acheter un bel appart. pas loin des facs de Montpellier. Ce serait pour "la proximité des hôpitaux..." Non, en Cévennes, on ne soigne pas, on se soigne pas, on n'est pas soigné et ainsi de suite...
Bon, j'approche de Valleraugue et j'ai une petite chance puisqu’à l'entrée, je dégote "un château de ma mère". Encore de la douceur triste. Une belle bâtisse avec un bonheur révolu. Fermée la bâtisse si possible. Là, ils ont mis un panneau. C'est vrai qu'il ne faut pas se garer devant un endroit comme ça, cela met les larmes aux yeux.
Pas très joyeux tout ça, mais il me reste le café du jardin, celui avec "Murray Head", que je rebaptiserai plus tard "David", je vous expliquerai. Je vais pouvoir y déguster un café tranquille comme en retour des 4000 marches. Incontournable.
Fermé !? On est pourtant un vendredi. Étrange. Pas de chance !?
Valleraugue sans son café ouvert à l'angle, c'est un peu triste. Normal, il y en a pas d'autre.
Le village, pour en parler est un peu construit face nord de la montagne en embrassant la mousse. Cela vous donne immédiatement une idée de la mentalité des habitants. Le refus du soleil ! En Cévennes, tu as souvent des bâtisses qui refusent le soleil ! Je les cherche. Pour ne rien comprendre.
On pense au moment de s'établir dans une grotte, une caverne, un trou...une tombe.
A se cacher vraiment à minima. Le notaire est la dernière personne croisée.
Le temps passe, Il ne me reste maintenant qu'à rendre hommage à l'inutilité d'Ardaillers, hameau qui pour le coup est au soleil. Le pasteur ne s'était pas trompé sur cet aspect. En montant sur les flancs de la montagne, on peut voir l'Aigoual, le couchant de l'ouest, on sort de ces catacombes de vers à soie, on s'éloigne de ces chenilles idiotes et obèses.
Je ne vais pas commenter Ardaillers au prisme de ce que j'ai appris par le pasteur mais uniquement par ce que je vois et ressens maintenant.
Arrêt à l'église. Voyons voir. Elle est ouverte, c'est bien, une preuve d'accueil puisque tout est fermé depuis ce matin dans le coin : on citera la maison de la vielle, la maison de Pagnol, la maison des "say it ai'nt so " ( des "j'y crois pas").
Et là comment dire ?
On est aux antipodes du baroque, la solitude protestante minimaliste te choppe dans une bouffée de poussière. L'art absent. Le silence visuel. L'odeur absente. Rien. Même l'harmonium caché à l'entrée doit ne jamais fonctionner. On a dû le bâillonner. Je sens qu'il ne dira rien. Ils auraient pu mettre un peu d'encens pour que le visiteur imagine qu'on n'est pas seul. L'odeur de poussière ça se voit et c'est très moche.
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Rien... Dieu semble ne pas trop avoir le goût et le sens de l'esthétique qui réchauffe les hommes... |
Par ici, il ne faut rien dire... Il ne faut pas parler. On sent que l'on est un peu comme à Monségur, il y a eu des cris, du feu et des larmes... Ils résonnent encore sur des accents de vieux fusil. Le fameux maquis d'Ardaillers et ses victimes ?
Sympa tout ça. J'aurais dû ne pas rentrer et rester à regarder vers la mer assis sur ce banc à écouter la vieille, et lui dire surtout que je n'ai pas fait exprès de passer et le reste...
Pour finir, je vais aller à la fontaine. "La belle fontaine d'Ardaillers en escalier". Si tu lèves les yeux, tu y verras au fond la bâtisse brûlée par les allemands...
Je rentre par la Triballe.
J'ai trouvé les Cévennes pas très accueillantes ce jour. C'est un point de vue. Allez oubliez-ça.
J'y reviendrai certainement par ennui et inutilité comme l'écrivait Jean Carrière l'écrivain pestiféré qui avait trop parlé de ces maquis. Il en est mort d'après son éditeur.