" La journée de la loze... " ( 20 Juillet 2023 – 180 km)
Ce matin du 20 juillet, je suis un peu contrarié. Épuisé par de nombreuses choses (à définir) au milieu de moustiques tigres de plus en plus furtifs ( ils sont petits et volent sans logique, inaudibles comme avec des moteurs électriques, intraçables).
Anesthésié aussi par une canicule qui cherche à camoufler son nom, et qui ne s'assume pas.
Ces écarts thermiques dont on ne sait plus s'ils sont légitimes sur des bases saisonnières sans cesse remaniées par des stagiaires (syn. experts), récidivent et de façon stochastique.
Et cette mode nouvelle qui consiste en une non-définition des choses. Posture idéale pour moins souffrir, en noyant les réalités pour éviter toute réaction et polémique puisqu'on a pas de repère tangible, aucun phare, aucun historique, aucun modèle sur lequel s'appuyer.
Dans cet ordre d'idée, un col n'est plus un col. La façon d'y parvenir est surtout sans aucune importance. Ce qui est encore plus grave. On prône l'illogique d'une progression pour atteindre un sommet. Il n'y a plus "de ligne" comme aurait disait Messner, plus de logiques réalisables, quand bien même elle sont difficiles.
Le parcours de l'étape reine du Tour de France de la veille (la 17), visionnée sur un canapé dans un abrutissement d'après midi, m'a questionné pour le moins.
Franck Ferrand a eu beau expliquer (en début de transmission télévisé) que toute chose a une définition, qu'un Cormet, par exemple, (de Roseland) n'est pas un col, qu'il y a des caractéristiques et définitions aux réalités du terrain, rien n'y a fait. Tout le monde semble s'en contrebalancer.
Et surtout si un col routier n'existe pas, ben il suffit d'en créer un. Après tout une crête est un fil continu constitué d'une infinité de col, et on a qu'à goudronner tout ça, on a encore bien du pétrole et du bitume gluant à disposition pour quelques décennies.
Mais attention !, on ne suivra pas le muletier. Trop cher, trop long, trop régulier. On ira droit dans la pente ! On passera avec des échelles de pompiers s'il le faut avec même des re-descentes inutiles et navrantes (décidées par un tractopelle en panne dans les années 70)!
Les organisateurs ont donc choisi pour cette étape, les jeux du cirque pour la promotion d'une station de Courchevel qui a récemment perdu la Russie au milieu des covid 19 et autres guerres modernes ( Ukraine) ... Ils ont imposés la loze aux coureurs. Mais une loze pour gagner ?
Paradoxal ? Que nenni, passer par la Loze c'est du win-loze un nouveau concept. Pas du win-win. Courchevel win, le coureur lui loze ou lose.
Les journalistes ont trouvé ça fantastique, aucune réflexion, aucun questionnement sur l'utilité de ces montagnes qu'on appellera pour le coups, des "montagnes plus du tout Russes"...Ce sont des montagnes Russes mais version plus plus... Des montagnes Russes évidemment. Mots clés : peur, amusement, adrénaline, parc à thème, looping.
Les coureurs eux sont sortis écœurés, vidés, exsangues.
Voyons ce qui ce que dit le web de ce fameux col de la Loze initialement pédestre.
Sa particularité réside dans le profil unique des 6 derniers kilomètres qui consistent en une succession de replats et de murs raides, avec de nombreux passages à plus de 20 %, le tracé n'ayant pas été conçu initialement pour la circulation automobile. Le directeur du Tour de France Christian Prudhomme décrit le col : « C'est quelque chose que l'on ne connaît pas, qui n'existe pas, tout simplement. Vous passez de 2 à 20 %, ça tourne dans tous les sens... Pour moi, c’est du jamais-vu. Ce col est unique. »
(...) plusieurs coureurs affirment même que l'ascension du col de la Loze, de par son profil atypique dans les derniers kilomètres, est encore plus redoutable que les pentes du col du Mortirolo en Italie. (Source Wikipedia)
C'est dire.
Le programme ? Un ascenseur pour l'échaffaut avec écrasement lamentable pour finir, les ailes brisées, sur un altiport, au milieu de citernes vides des neiges artificielles d'antan. Magnifique !
Une étape de 5000 m de dénivelé positif sous la chaleur et pour passer où ? Pour arriver où ? Pour le spectacle ? Même les romains avaient infiniment plus de respect pour leurs gladiateurs d'alors.
J'avais déjà eu l' humeur chafouine
avec ce ridicule col du Débat, création médiatique des
apostoliques de Pâques en Provence sur les hauts de Cairanne (cf.
Blog mars 98). Je vous invite à y repenser.
Il y a un mouvement, une esthétique, une logique aux choses, tourner en boucle dans un show médiatique est déjà bien assez difficile. Emprunter des routes inhumaines crées grâce à l'énergie gratuite et abondante et à des fins strictement commerciales, est pour moi impensable.
Le but en fait et on ne s'en cache pas c'est, en goudronnant l'Alpage, d'attirer ces "abrutis de cyclistes blindés", autrefois skieurs, sur des goudrons sans logiques, au gré des déplacements de terres ( initialement favorables qu'à ceux qui descendent avec l'aide de Newton).
Descendre une piste de ski en VTT pourquoi pas. On descend ici toujours, mais on y monte en téléphérique et pas en vélo...Les dites "infernales ruptures de pente" ne se montent jamais. Un être humain ne peut pas monter ici. Ses congénères les animaux non plus.
Avez vous d'ailleurs essayé d'escalader des pistes de ski à pied pour arriver à un sommet quelconque, voire un col oublié ? Horrible. Et pourquoi ? Le manque de logique, l'absence de progression acceptée, pas d'ombre , l'inutilité, l'ennui, la mort ?
Même une mule à sherpas des camps de base himalayens se mettrait immédiatement en PLS.
En vélo c'est encore plus impensable de passer par là.
Vous allez me dire mais tu as oublié une petite chose Bernard: " Il y a l’électrique..." Ils vont monter en " électrique"...(VAE).
Il sont en électrique les coureurs du Tour ? Peut-être finalement. Quand on voit les moyennes...On doute parfois même avec ce vent dans le dos depuis des années.
Comment se calmer ?
Il est plus de 8h du matin et ce qui t'attend Bernard si tu laisses filer, c'est une cette après-midi canapé-tour encore plus chiante qu'hier.
Je m'en vais donc, il faut être dehors. Peu importe les températures.
En juillet dernier, dans les mêmes dispositions d'esprit, avec Jacques (D) nous étions allés à Florac sous ambiance "caniculaire mais presque"...Une façon de dire non au sort, au climat, à l'abrutissement par abandon, un moyen de lutter contre les journées perdues (lost day).
Je pars on verra bien .
La température n'est pas descendu au-dessous des 25°C cette nuit. Chaud pour chaud ( la maison est à 30°C le soir) autant être dehors et déambuler. Le Tour ? Aucun intérêt. Ils vont d'ailleurs certainement faire rouler aujourd'hui le peloton sur une piste cyclable financée par l'Europe de vision binaire (c'est devant ou derrière, gentil ou méchant, altruiste ou facho.), plus de cent trente coureurs à 50 à l'heure sur 3 m de large pour promouvoir les grandes jonctions en déplacement doux entre deux cités Unesco. La via Van Aert... A déguster sans modération avec frottements de brassage jusqu'à gamelle...
Direct Ganges. La Vis est à gauche, c'est mon Canada à moi (qui brûle en ce moment), on s'y gèle l'hiver. Quelques baigneurs à la cascade qui sera certainement bientôt sous péage. Il en faudrait d'ailleurs de l'argent pour décontaminer St Laurent le Minier de tous ces minerais lessivés (plomb). St Laurent c'est notre petit Tchernobyl à nous. Il n'y a plus rien, même pas un insecte. J'ai souvenir d'un café sur la place mais ne l'ai-je pas rêvé ? J'ai constaté aussi des vestiges d'inondations. N'étais-ce pas un don du ciel pour un grand nettoyage définitif ?
La cascade de la Vis - Dernier Paradis à apprécier sous le Pic d'Anjau. Crédit : BL |
Je traverse le village . Quelques enfants assis qui n'attendent plus rien. Il leur reste l'ombre sans quoi ?. Sans quoi, quoi ? C'est double chape de plomb aujourd'hui sur et sous les toitures. Que leur dire ?
Étonnante cette épicerie dans un algeco devant la place. Plus aucun commerce stable. Il semble y avoir une queue avec quelques réfugiés devant ( à la mode). Oui l'habitant du village est devenu un réfugié industriel cette fois. Réfugié chez lui.
La queue devant le seul magasin de St Laurent le Minier... Mais comment en est-on arrivé là ? Crédit : BL |
Allons donc flâner sur le vélo pour retrouver de l'air et pourquoi par au col des Aires très justement. Puis un petit détour pour visiter St Bresson et Roquedur le Haut. Oui je confirme, c'est haut Roquedur et assez dur et il n'y a rien aujourd'hui à contempler au milieu des quelques maisons figées, à part peut-être quelques courgettes avec des œufs à à 20 centimes posés là sur une cagette. Le signal du client est donné par ce chien allongé à l'ombre qui fait semblant de t'ignorer et une minute après aboit deux ou trois fois mais sans la moindre conviction. Il est au bout du rouleau et a senti que je n'allais rien acheter. Un cycliste n'est pas solvable sauf en station de ski l'été. Station type Courchevel je précise.
Retour au Vigan.
Le retour ?-Le mot est fort. Je l'ai déjà écrit, la ville à effluves de soupirails moyen- ageux nie toute existence, ne t'accueille jamais et te rejette toujours. Tu n'y a jamais été vraiment et ne feras jamais partie de cette ville, car elle ne reconnait même pas ses habitants les laissant là en dérive au pied des montagnes, en espérance de ce qui est vain.
J'ai décidé, contre toute attente (et j'en reste perplexe), d'avoir un autre regard aujourd'hui sur ce bourg de Province. Une vision disons plus positive de la ville.
Tout ne peut pas se décliner comme l'illustre Jean Carrière le prétend. Il doit y avoir des exceptions. En faire une avec le Vigan sera pour moi difficile certes mais pourquoi pas ? J'aime le challenge. Tout n'est-il pas possible à l'issue d'un tunnel ? N'y a-t-il pas un tunnel plus haut ? Prendre le contre-pied de tous les climats présents et passés est une belle entreprise.
Je déambule donc dans la ville en attente d'une émotion et n'importe laquelle. On ne va pas s'installer au resto quand même, face à ce parc pseudo-ombragé. On n'est pas en Provence, lieu des sauvetages post-ravage (Barjavel).
Un sandwich suffira avec cette température, l'estomac veut du léger, le corps ne veut pas s'alourdir plus que l'ambiance locale.
J'attends un peu sur le guéridon, le regard perdu, me demandant si ici il peut se passer quelque chose. Si c'est le cas, je suis preneur. Un gars parle de drogue et de violence et apparrement des gens d’ici sont concernés. Ben voyons! Normal. Il y a pas que les oignons et les pommes reinettes par ici !
"Ne t'en va pas Bernard fais cet effort, la ville veut te parler; cela vient aussi de toi tu sais ! Sois patient, restes en éveil".
Ok d'accord mais il fait chaud quand même...Je doute.
Bon je trouve de l'eau gratuite. C'est déjà un bon point. Il doit y avoir un peu de vie.
Plus loin, j'hésite et me retourne. Il y aurait un presque "château de ma mère" là avec sa grille... Ce serait incroyable. L'enthousiasme monte mais non, ce n'est pas ça. Quand je m'avance un peu il perd cette caractéristique indéfinissable validée uniquement par les sens et les émotions. Ce serait un leurre ? De la part de qui ? Un désir ? Mon désir ?
Pas vraiment un château de ma mère... Château de belle-mère à la limite... Il n'est pas retenu aux monuments historiques des émotions passées... Crédit : BL |
Allons vers cette place à l'ombre au-dessous de l'église St Pierre. On peut parler de faune par ici. Tous et toutes plus étranges. Des bestiaux bien plus authentiques, presque majestueux, que ceux de Ganges sur le Gange à quelques kilomètres. Plus pauvre aussi semble t-il. Cela donne un certain charme désuet. Je ne les juge pas. Ne peut-on pas basculer à tout moment par un mauvais hasard, une rencontre, une erreur ?
Le bar Brasserie des escapades neigeuses des années 70 sous la station de l'Aigoual.. Il faut s'en inspirer. Crédit : BL |
Il faut que je m'en aille, je ne trouve pas grand chose. C'est pas de ma faute, je suis pourtant en de bonnes dispositions. J'ai essayé.
Sans culpabilité, allons par cette déviation urbaine qui amenait encore dans les années 80, quelques apprenti-skieurs de Montpellier vers ces aires de l'Aigoual toutes désormais abandonnées. Oui les lambdas des clapassous de la mer, c'était leur Russes à eux les Viganais. Sans le sou aussi, les clapas(an)sous.
Je passe donc sous une espèce d'arche où est marqué "le Vigan" comme est marqué "Marbella" en Andalousie. Ce qui évoque en moi quelques souvenirs et "une autre histoire". Mais rouillée celle-ci d'arche et, vous l'avez compris, surtout pas en Andalousie...
Que faire désormais pour éviter, à tous prix, ce Tour sur canapé promis et surtout sans trop souffrir de la chaleur ? C'est l'heure interdite d'une expérience interdite. Celle de rouler en contexte thermique hostile. Que dirait mon futur cardiologue de ce programme d'aprem alors mon compteur indique 40°C ? Je lui dirai que mon compteur est faux et c'est sans compter sur cette vitesse qui ventile d'une façon reconnue et évidente. La détente est un refroidissement. Je me détend.
Donc "course à la canette" sera le programme. Je ne suis pas pressé de rentrer et c'est très bien car quand on est pressé cela fait monter le cardio. (descendre ?). Et il parait que c'est pas bien. Donc cool...
Un instant seulement j'ai pensé obliquer à gauche pour monter ce petit col vers Sumène. Et puis non... Il faut ventiler.
A l'entrée de Katmandou, en regardant l'eau à ma droite me vient l'idée de retourner vers la Vis pour m'étendre à ses pied et dissiper la fumée le long d'une levada. Dormeur du val de levada.
Levada pour la sieste. Comme à Madère... |
Je trouve ensuite de l'eau à Ganges (robinet) même si le Gange est sous les cailloux depuis belle lurette... Cela sert à quoi une canicule? Trouver de l'eau, et ne pas sortir d'un bled tant que tu n'en as pas trouvé.
St Hippo puis Durfort... où, il y a aussi... un robinet connu.
Canaules St Théodorit. Dans ma tête se dessine un beau triangle de parcours sans preméditation. Quissac. Mais je ne vais pas rentrer direct et flâner encore un peu.
Dommage que je n'ai pas pris les loupiottes, la température baisse , une sérénité monte en moi alors que je croise vers Mas Figuier. J'aurais pu continuer la nuit et rentrer chez moi au petit matin, "propre", régénéré, calme et serein au creux relatif des températures.
Une nouvelle journée pourrait alors commencer. En dormant sur un canapé ?
Début ou fin de la journée de la Loze ? C'est selon...Un peu les deux... Crédit : BL |