"Le vrai courage, c'est celui de 3h du matin...(Napoléon)."(06 mai - BRM 423 km)
Les spectres du 400 qui filent vers le nord, peu après 3h du matin... Crédit : Eric Lapuyade... |
Oui il faut un peu de courage pour faire un départ sur son vélo à 3h du matin. Combien peuvent prétendre connaître et expérimenter ce délice ? D'abord le réveil c'est plutôt vers 1h30. Au fait, a-t-on vraiment dormi ?
Une petite liaison solitaire, au milieu des ombres prédatrices, vers le lieu de départ (Assas) pour interroger le corps et l'esprit. Que sera la journée ? Une galère? Joyeuse ? Longue c'est certain, on entre là dans le hors norme de la longue distance.
C'est la 3eme fois que je réalise ce parcours, on peut donc parler d'une classique. La classique dite "des Gorges du Tarn"...
Au départ nous somme une soixantaine, la météo est favorable. Quelques uns du 300 ont disparus, d'autres s'invitent à nouveau, c'est un peu aléatoire. Normal, on fait son marché des BRM sur la carte de France, tout ça pour le fameux Paris Brest Paris.
Je ne suis pas vraiment motivé, c'est certainement ma dernière série de Brevets et vais-je d'ailleurs la terminer ? Rien n'est moins certain. 2019 devait déjà sonner le déclin et la fin, issue matérialisée par ce 4eme PBP réalisé en dilettante ( moins de 80h quand même, un peu de respect...). Oui l'age est sympathique, il te dit parfois qu'il faut savoir retourner à Montauban... Il faut écouter.
Je viens là comme pour repousser la sage décision de tout arrêter sur ces longueurs et ces rythmes, disons de diminuer la charge physique et mentale nécessaire...
Un BRM devient "violent et conséquent" à partir du 400 car il monopolise des ressources pour passer dans des délais qui sont plus serrés que ceux d'une Diagonale de France. Pour ce 400 ce sera 26h. On a le temps mais il ne faudra pas trop flâner quand même. La notion est relative.
Le départ devant la boulangerie d'Assas... |
Sur les routes au milieu des brouillards qui créaient de magnifiques fantômes appelés "spectres de Brocken" les groupes se passent et se repassent...à la faveur de petits arrêts. Puis ils s'ignorent, les mouvements non rectilignes uniformément variés sont seulement décalés par la cause principale d'un vecteur vitesse propre à chacun.
Chacun sera à sa place et très vite. On ne triche jamais sur 400 bornes. Pas moyen de faire illusion. On est vrai et soi-même. Ça change ? C'est vrai ceux dits de l’esbroufe et autres postures sont absents. Ici il n'y a que du vieux grognards, de la belle personne face à la souffrance des hécatombes possibles...
La montée sur Alès de nuit finalement n'est pas pour me déplaire car le terrain jusqu'à là est assez inesthétique, des zones nouvelles et plates au milieu des vignes qui donneraient la nausée à un certain Sylvain Tesson.
Le petit jour pointe, c'est le contrôle de Ste Cécile qui atteste du début de la longue ascension vers le Mont Lozère. Une route au milieu des châtaigniers, magnifique et interminable pour aboutir à la Croix de Berthel.
Au pont de Montvers, la tentation est grande de s'arrêter là pour la journée et oublier la carte de route. Peut-être le passage de trailers qui tombent des collines de Finiels avec leurs bâtons, nous incite quand même à aller plus loin, à "ne rien lâcher" par solidarité avec l'Ultra...
La descente des gorges du Tarn est une belle tirée avec quelques regards sur les monuments et cette rivière qui semble " à sec"...C'est un périple hors saison, hors touristes. La route nous appartient.
En se rapprochant de Millau, la température monte doucement. Je regarde le ciel, me demandant déjà ce que sera l'été qui arrive... Caniculaire encore ? Seront nous épargnés ? Sommes nous maudits à jamais chaque année par la punition des Dieux ? Nous qui en avons chéri les causes comment en maudire les conséquences ?
Les automatismes de l'alimentation, bien rodés par les ans, permettent d'avancer par tranches de 60 km... Sous le pont de Millau on ne pourra s'empêcher de faire une photo. Comme il y a huit ans. Pour célébrer la maîtrise d'Eiffage ou surtout le passage de la moitié du parcours.
Magnifique pont de Millau, il faut passer dessous pour rentrer à la maison... |
Les anciens se souviennent que désormais ce sera abrasif, avec quelques bosses mal agencées pour aller vers des hauts lieux de la longue distance pas très loin d'un certain Réquista ou vivent d'autres fantômes...
Le bonne gestion ce sont le arrêts courts mais ils s'éternisent toujours et de plus en plus avec la distance parcourue. Je n'ai pas pris le chrono. Je suis avec Pascal, et s'il le faut on finira vers 6 h demain matin. Je l'ai accepté. Enfin, je ne l'espère pas, je le redoute même, secrètement. Notre vitesse est suffisante pour avoir de la marge.
Le col du Perthus gagné ce sera la victoire conséquence des courages du matin... Car tout à une origine bien en amont du résultat.
Vers 23h nous basculons sur Lodève. La nuit est tombé sur les chemins au dessus de Fondamente. Le contrôle, juste après le panneau Lodève est une oeuvre d'art.
Un lampion, une boule à facettes le signale. Une petite boîte aux lettres comme une crèche avec le tampon. Un mélange de poésie, de regrets de fêtes passées, de nostalgie de fin de BRM s'empare de nos esprits un peu en "court-circuits" à ce stade de sortie de l'étrange passage mystique de Roqueredonde.
La fin de la fête ? La soupe à l'oignon ?... |
Vers 3 h nous arrivons enfin à la boulangerie d'Assas. La boucle est bouclée... C'est l'heure effectivement des courageux qui ont bien géré la distance. Un pain au chocolat. D'hier ?