La tielle de Proust... ( 03 mars 2022 – 134 Km)

« Cette », île qui m'est particulièrement singulière...Crédit : tourisme.fr  

Aller à Sète peut permettre de remonter un peu à le genèse des départs de l'humanité. Car la « terra incognita » c'est quand t'es au bord de l'océan et que tu regardes l'horizon. C'est une façon de quitter la terre... Je sais la Méditerranée ce n'est pas l'océan mais quand même.

Je suis toujours un peu ému de retourner là bas car j'y ai fait trois années de pensionnat. Comble du supplice pour une prison c'est d'avoir vue sur la mer, d'être sur une île. Cela réveille en toi tes désirs de partir, les valide, les légitime, les rend inexorable. Je pense que les choix de construire des pénitenciers au bord de l'eau n'a jamais été anodin cela transforme le mental du prisonnier pour le meilleur ou pour le pire.

Je suis retourné souvent en vélo à Sète (incognito) et plus particulièrement en hiver, en cette période « Cap Horn » des fêtes de fin d'année. Monter le St Clair, sans touriste, flâner et rentrer en se disant c'est dingue ce que j'ai pu « me faire des films par ici ». De 15 à 18 ans, on construit ses départs. Normal.

Parlons accessibilité à vélo. Aller à Sète de St Mathieu, il faut d'abord éviter le manège de Montpellier, zone urbaine qui tourne dans un sens et je n'ai jamais su lequel. Il faut passer au large. Cela commence pour moi en marchant dans la garrigue pour éviter les travaux de la côte de Bel Air. Ensuite le bricolage de Murviel qui mène à Pignan, vaste étendue dite rurale,  construite un peu comme un Los Angeles de campagne sur des vignes arrachées. 

C'est le début des pistes cyclables de sécurisation de ce petit monde, il faut suivre. C'est vrai que je découvre aujourd’hui  celle qui se prolonge jusqu'à Poussan. Pourquoi pas aller jusqu'au Mont St Clair sur un linéaire cadré ? Aujourd'hui je suis tolérant et je décide de prendre le temps de comprendre ce qu'ont voulu dire les organisateurs de circulations douces... 
Détour par Balaruc les Bains, les étendues aquatiques me manquent déjà. Finalement j'arrive à Sète et ses canaux sans trop de stress.

Je suis parti tard, il me faut m'alimenter avec quelque chose de bon et solide.
 
J'ai un petit circuit historique que je met en place cette année avec cette sortie :

1) Rien de mieux qu'une tielle de chez Cianni ( Grand format ). Cela va me permettre de croquer dans la chose en fermant les yeux pour me retrouver en 1978 où je faisais strictement la même chose avant d'aller flâner sur le port les mercredis.

Une tielle d'une longueur de selle....Crédit BL



2) Je passe le pont de la civette pour rejoindre la place Aristide Briand, carrefour des lycéens
des années 70. Nous allions jouer au baby foot le mercredi dans un épicentre de la tabagie. J'ai encore l'odeur, pas désagréable, du tabac dans le nez. Nous étions fumeurs passifs et/ou actifs. Jean Marc Bru était un vrai dominant lui car il fumait des Gitanes sans filtre...Quelle classe ! Qu'est-il devenu ? Et ce bruit du baby foot qui "claque"...

Je m'installe donc au bar du Colysée pour regarder cette place que l'on pourrait appeler «  des Grands Hommes »...place des « copains d'avant ».


Café bar du Colysée - Crédit BL

3) Le lycée St Joseph qui porte bien son nom, le lycée de tous ces Josephs qui travailleront dans l'ombre ensuite et ne feront pas partie de l'histoire, laissant aux Maries la place de porter la « charge mentale » de l'humanité...

La bâtisse St Jo. toujours minimaliste... On peut s'en évader... Crédit BL



J'y ai pris plaisir aux études. Je lisais Science et Vie allongé sur des dalles de béton au dernier étage. La bibliothèque municipale le mercredi. J'aimais les livres, je 
sentais qu'ils avaient un rôle, quelque chose de l'ordre du fondamental.

4) Ensuite, je met le triple ( triple plateau, je précise car aujourd'hui c'est une rareté et prête à sourire face à l'hégémonie compact) pour parcourir la ville par le haut et arriver dans la fameuse bosse de l'étape reine du Midi Libre cycliste. L'ascension du Mt St Clair par le chemin du même nom est une belle rampe qui se mérite. Athlétique.

Le virage du St Clair... Crédit BL



5) Je fais le détour par les Pierres Blanches pour aller retrouver la table d'orientation qui m'orientait pendant les cours de gym. Un copain, trop vite disparu me prêtait sa Peugeot 103 pour rejoindre le stade de sport qui était loin du lycée (pas trop quand même). Aucun contrôle par le vrai prof de sport, très cool qui pensait que l'on venait à pieds et que l'on s'était un peu... perdus. Pas vraiment, j'allais faire le tour de Sète par le haut. 
Sur cette table d'orientation était écrit «  Baléares (par réfraction) ». L'accessibilité peut-être aux terras incognitas avec la complicité d'un peu de science !? Quel symbole !! J'en ai rêvé la nuit. Même si, je vous l'accorde, les Baléares ne sont plus trop une destination.

Les choses sont différentes : En 2022, les Baléares ne sont plus visibles. Et c'est écrit ! C'est donc qu'elles l'étaient ou pourraient l'être encore... Donc on ne peut même plus les rêver ? Comment peut-on écrire ça sur une table d'orientation !? Le rêve brisé.

Baléares non visibles... Et la réfraction tu connais !? Un vrai scandale ! Crédit BL

6) Je rejoins le théâtre de la mer et le môle (je n'ai pas dit la mole...). L'endroit est particulier aussi car le mercredi je me chauffais au soleil dans les criques de la corniche et j'allais voir les voiliers à quai.
La chanson « Manureva »(Alain Chamfort) à l'époque tournait en boucle... Alain Colas pour moi n'étais pas mort (encore moins aujourd'hui)... Il avait disparu vers les îles, ces fameuses îles « visibles par réfraction »... 
Je serai bien parti avec lui.
Oui belle promenade dans le passé. 
Mais, comme disent les pauvres gens, «  il faut rentrer maintenant, il commence à faire froid ». 








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