" Etrange sensation d'être le premier et ...le dernier " (Rando. Milhaud-101 Km-08 sept.2019)



J'ai assisté à la fin d'un monde... Nous sommes le dimanche 08 septembre 2019. Enfin le début de l'automne avant les prochaines grandes chaleurs. En ce jour, la puissante FFCT a disparu. Et oui, changer de nom (FFvélo) n'est pas suffisant pour prolonger son existence, on a l'âge de ses cellules et pas celui de sa chemise . Je vais le vérifier ce matin.

7h, j'entre dans Milhaud, les ruelles sont vides, les barrières à taureau éventrées... Ça a dû chauffer hier au soir, avec le maire en première ligne sur un cheval. Je cherche des cyclistes... Il doit y en avoir. Autrefois ils me guidaient vers les lieux de départ. Déjà joyeux, j'imagines d'ailleurs quelques paquets matinaux qui m'auraient devancé et que je ne rattraperai plus. C'est un voyage dans le temps. Je n'ai pas de GPS dans la Clio, je cherche" à l'ancienne" où était mon dernier passage... Car j'ai déjà participé à cette officielle il y a quelques années...Le challenge ou le souvenir Henri Perrin. Mais qui étais tu Henri ? Faisais tu du vélo ? Parce que j'ai découvert aussi que l'on commémorais des personnage qui n'avait rien à voir avec l'activité proposée. Qu' Henri soit monté sur un vélo n'est pas garantie, il faudra que je demande. C'était peut-être un champion de fléchettes... Cherchons...  Les arènes... ? Non. Le centre socio culturel ? Pourquoi pas.
C'est la vision de la banderole qui stoppe ma voiture, elle est bien jaune sur un mur, une façade pas très jeune... A l'époque le jaune c'était tendance. Aujourd'hui c'est banalisé. Il y a du jaune partout, c'est une couleur qui va lasser c'est certain mais elle symbolise le sentiment, la sécurité et le "monopole du cœur et de l'humain"... Elles masque des fenêtres avec des barreaux sur une architecture un peu soviétique, minimaliste...


La banderole jaune et les volets clos...

Personne. Mais où sont ils..? Si Alain (Jammes) était encore là, il aurait poussé une gueulante.. !        " C'est comme cela qu'on reçoit les gens qui se sont déplacés ? Et il y a des bornes à bouffer... Allez on s'active, on est déjà en retard !" Je le regrette parfois cet Alain, même s'il exagérait parfois.

On m'ouvre la porte... C'est que je ne veux pas déranger... Qui est le chef de service de ce bâtiment postal ?
A vrai dire, le paquet LOISEL n'est pas prêt d' être envoyé... Je remplis un grand formulaire avec les numéros de club etc, j'avoue que c'est un peu chiant. Ce serait pour les statistiques basées sur la loi des petits nombres... Le tarif syndical pour le timbre est 5€ (bien qu'il n'y ait plus de tampon). Pour ça ce n'est pas très cher mais attention cela pourrait le devenir... Attendons la suite...

La cafetière. Ah oui pour ça c'est bien ! La machine à café avant. Après on discute, voire, on s'agite si strictement nécessaire... Avec des micro-timbales en plastiques (cela me rappelle un Pâques en Provence). Le café au litre (dans des bols avec des tartines) c'était plutôt pour les "mineurs" du circuit de l'Iseran d'autrefois (avant 1985), ces "bestiasses" sans la moindre RTT qui avalaient 260 bornes sous la neige...

7h45 - Je me confond en excuses à ces quelques personnes âgées et leur dit que je vais ouvrir la route même si c'est imprudent. Nous serons 11 sur le grand parcours de 100 bornes (sur 56 participants au total et sur les 3 circuits, à vos calculettes..). C'est assez dangereux de partir seul sur une telle distance. J'ai lu dans leurs yeux qu'ils ont peur de me perdre ou de m'attendre... Vous comprenez la lettre LOISEL quand bien même adressée avec un accusé réception sur 100 bornes, on est jamais certain d'en avoir le retour... Croyez en les derniers postiers fédéraux.
Me voilà  sur ces routes de Clarensac, St Mamert et j'en oublie car les noms de villages sont compliqués dans ce secteur (cela finit en ..sargassargue, gagassargue, paillapargue..;?!). Tout va bien il fait beau "c'est la rentrée des classes et des feuilles mortes", époque qui  provoque toujours en moi, une nostalgie heureuse.

Et voilà t'-y pas, comme Ueli Steck et tant d'autre, en proie à un relâchement mental indéniable, que je crève de l'avant et, lentement... Tout se fait lentement sur ce type de parcours et à cette époque et surtout aujourd'hui... Double crevaison même qui m'oblige à remettre la première chambre et regonfler régulièrement...Je ne vais quand même pas regretter les rustines !?

 Logrian c'est l'unique contrôle, j'aurais un peu tué pour l'atteindre. J'en ai rêvé. Ça vous arrive de rêver d'un ravitaillement ? Moi oui. Cela doit être lié à ma génétique de chasseur cueilleur. Pas épuisé quand même, j'atteins  une mini-table de camping (pour 11 cyclistes, un mètre carré c'est déjà trop), un papy et un enfant de 11 ans devant un C15 de ruralité. La grenadine est périmée, le gâteau type barre au mètre" un estoufaïre". Pour finir, sandwich bien sec seulement à la demande et sans beurre. Une demi-baguette a suffit pour le passage des troupes. Ils étaient donc au courant qu'on serait que  11 !? Et ils n'ont rien dit ?

Heureusement finalement que j'ai crevé et que je suis pressé, la Poste va fermer et il y en a 10 devant. A moi de "chasser". Et à quelques minutes près, l'autre chasseur (de sanglier assis sur un pliant) avec le petit fils, il se barrait... Bref, " j'abrase" mais prends mon temps puisque c'est l'automne et " profite" dans une ambiance "sans partage"... Que de petits villages, de petits détours rigolos avec ce soleil qui tourne,  pour passer même par Langlade par le haut et basculer sur Bernis.

12h45, La banderole est toujours là,  et toujours personne devant, sur ce parking de messe. J'entends au loin des musiques tsiganes, espagnoles, gitanes, est-ce important ?  Des mélodies type, le beau Kendji (Girac) qui font chavirer, c'est bien connu, les adolescentes bretonnes, du Morbilhan aux coins les plus reculés du Finistère ... Il est tard Bernard ! Et que tu le veuilles ou non, tu sens que tu as fauté et culpabilises un peu.

 Mais j'ai trouvé la parade, qui me donnera miséricorde et pardon.  Je dirais, si on m'interroge évidemment, que les chambres à air, l'hiver, ben.. ,elles se craquellent... Et je maudirais, par la même occasion,  Decathlon, ce temple du bazar, la grande entreprise qui broie ses salariés... Je parlerai de Vincent l'artisan de la crèche païenne de Noël à Frontignan, du vélociste de St Chinian au bord de la rivière, et surtout de celui de Barcelonnette qui faisait du bénévolat et de l'humanitaire et savait, démonter et remonter,  une draisienne dans le noir absolu au milieu du tunnel du Parpaillon... Et si cela ne suffit pas, j'inventerai que mon grand père a bien croisé Vivie vivant...


La porte est fermée, on m'ouvre. Pas un cyclo... Que des fonctionnaires en civil, décontractés (ce qui semble normal). Pas un maillot, pas de bruit de cales sur le carrelage... Je cherche l'apéro et la poubelle à coca. Rien. On ne me pose aucune question. Savent-ils que, parfois,... je fais du vélo ?
Surtout ne pas les embêter avec ça. La vie ou la mort, sont autres choses.  
Au fond de la salle un peu dans l'obscurité (la faute à cette banderole racoleuse qui obstrue les vitres), ceux de permanence  mangent autour d'une table avec papy chasseur. Tiens, ils sont moins que nous sur le grand parcours ?
Imaginez qu'ils aient été plus de 11 !? La FFvélo aurait été épinglé par la cour des comptes. J'oubliais, il n'y a plus de déclaration en préfecture et je n'irai pas cafter... Cette journée j'y étais pas, je buvais un Monaco à Sommières au bord du Vidourle, regardant un gros canard idiot qui, dans l'eau verte et chaude, jouait avec un carton à pizza...
 Je crois qu'ils parlent jardinage ou de la dernière bêtise de tante Lucette.
"Je suis le dernier ?" "Oui mais c'est pas grave..!" me dit le receveur aux cheveux d'argent.  "Ben si quand même... et  merci quand même de m'avoir ouvert, de m'avoir attendu". A l'arrivée à la grotte on peut être inquiet de ne pas retrouver la tribu. C'est légitime. Bon ça va.
C'est rare qu'un postier t'ouvre encore alors qu'il a déjà pointé pour sortir...
J'étais premier ce matin et dernier ce midi. Quelle étrange sensation.  
Eux aussi sont  derniers. Les derniers. J'espère qu'ils l'ont réalisé.
"C'est qu'il n'y a plus de bénévoles...!!" Non pas tout à fait, les bénévoles ils sont ailleurs ...
Bientôt la grotte des départs fantastique sera inscrite au patrimoine des choses révolues.

Et franchement, je ne sais pas si c'est triste.





Posts les plus consultés de ce blog

SEPT CENTS ( 7 cols en Cévennes – 12 mai 2024 - 218 km)

PARIS NICE - Du 11 au 16 avril 2024 - 1010 km. (1/2)

"Frelons asiatiques versus gentilles abeilles des campagnes..." (BRM 200 – 05 mai 2024 – 240 km)